L'HISTOIRE
« i guess we're on top of the world »

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Stanislas Venault-Hubin était un grand quinquagénaire au corps sec, au visage taillé à la serpe et à la peau burinée qui faisait ressortir ses yeux verts. Les cheveux poivre et sel coupés ras, une habitude qu'il avait gardée de l'armée, et toujours habillé d'un costume-cravate impeccable, il imposait le respect et la Rolex qu'il portait au poignet témoignait de sa position élevée. Peu de gens pouvaient se targuer d'être un macroéconomiste assez réputé pour devoir faire des allers-retours entre les USA et la France à chaque quinzaine. A côté de lui, son épouse paraissait tout à fait déplacée, comme si elle n'allait pas dans le décor. Sadjia Venault-Hubin, née El Zoghbi, était d'origine maghrébine. Petite, toute potelée, elle avait encore les cheveux très noirs, les yeux foncés et la peau plus sombre encore que celle de son époux. Toujours souriante, elle passait son temps à la maison, à préparer des plats typiques du Maroc et parlait plus volontiers arabe que français, même si elle était arrivée à Marseille à l'âge de neuf ans à peine. Ils n'avaient qu'un enfant, une grande fille prénommée Athénaïs qui ressemblait à on ne savait qui. Les cheveux noirs de sa mère, les yeux verts de son père, elle avait toutefois un nez pointu et un visage ovale qui n'appartenaient ni à l'un, ni à l'autre. « Tu vas aller dans cette université, tu vas faire des études de droit et tu vas devenir avocate. C'est tout. » L'adolescente, à peine âgée de seize ans alors, avait pincé les lèvres aux paroles de son père. Mais elle n'avait pas répliqué. Stanislas avait toujours été comme ça, toujours à tout contrôler. C'était pour ça qu'ils étaient arrivés à Paris dans le courant de l'été alors que Sadjia, tout comme Athénaïs, avait vigoureusement protesté contre ce déménagement. Mais c'était comme ça. C'était toujours comme ça.

« Eh, Naïs ! » La petite brune leva le nez en reposant sa serviette éponge pour observer une grande rousse horriblement maigre au visage tellement marqué de taches de rousseur qu'elle paraissait bronzée. « Tu viens avec nous au ciné ? On pensait aller voir Hansel et Gretel. Ou Jack le chasseur de géants. » Athénaïs fit non de la tête, les sourcils froncés. « Je peux pas. Estelle m'a déjà demandé mardi, je lui ai dit que j'faisais une scène au Marais. Elle t'a pas prévenue ? » La rouquine haussa les épaules et salua sa camarade d'un geste de la main et d'un sourire. La brune la suivit du regard sans rien dire, fourrant machinalement son fleuret, son masque et son gant au fond de son sac, puis haussa les épaules à son tour. Ce n'était pas le moment de s'embêter avec des questions concernant le comportement d'Estelle. Pour le moment, elle devait surtout se dépêcher. Elle était censée passer à vingt-deux heures trente et il était déjà vingt-et-une heures. Le temps qu'elle rentre chez elle, dans le quartier de Passy, puis qu'elle prenne sa douche, qu'elle se prépare et qu'elle retourne jusqu'au Marais... Elle jeta son manteau sur ses épaules sans prendre la peine de troquer sa tenue d'escrime pour un jogging, cala son sac sur son épaule et quitta la salle d'armes après un dernier salut à son professeur. L'escrime. Elle aimait ça. Elle aimait le sport presque autant que la chanson et passait son temps à en faire. Courir le matin. Escrime le lundi et le vendredi. Aikido le mercredi. Foot le samedi. Ca ne lui laissait que peu de temps pour ses études, mais elle s'en foutait royalement. Elle n'aimait pas le droit, de toute façon. Elle ne faisait ça que parce que son père l'y avait obligée. Au moins, accepter d'aller dans cette branche lui avait offert une autonomie totale. Son appartement à Passy, certes payé par ses parents, mais quand même. Elle se surprit à sourire un peu bêtement. La vie n'était pas si moche, en fin de compte.

« C'est à toi. Le piano est en place, idem pour le batteur... t'as plus qu'à monter sur scène. » Athénaïs hocha vaguement la tête, glissa son iPhone dans la poche de sa veste de tailleur, lissa machinalement sa robe Hell Bunny en tartan qui s'arrêtait bien avant ses genoux, passée sur un collant noir. Aux pieds, une paire de talons Abbey Dawn vernies au motif tartan lui aussi. Très raccord. Elle soupira, fit craquer ses doigts et grimpa sur la scène sans vraiment attirer l'attention de qui que ce soit. Ils avaient l'habitude de voir les gens défiler sur l'estrade. Une routine bien huilée. Ses mains se posèrent sur le clavier, tout doucement. « I'm waking up to ash and dust, I wipe my row and I sweat my rust. I'm breathing in the chemicals... » Elle prit une longue inspiration. Relança le chant. « I'm waking up, I feel it in my bones enough to make my systems blow. Welcome to the new age, to the new age... » Peu lui importait le public. Ce qui comptait vraiment pour le moment, c'était le rythme de la batterie et les notes de piano qui l'accompagnait. Son père l'avait obligée à prendre des cours de solfège quand elle n'avait que six ans et pour ça, au moins, elle pouvait le remercier. C'était sans doute la seule chose dont elle pouvait le remercier, en dehors d'avoir couché avec sa mère pour qu'elle naisse. « I raise my flag, don my clothes - it's a revolution I suppose... we're painted red to fit right in... I'm breaking in, shaping out, then checking out of the prison bus. This is it, the apocalypse... » La soirée fila sur les chapeaux de roues et il était plus de minuit quand Athénaïs quitta le bar, le visage emmitouflé dans son écharpe et les joues rosies par l'alcool. Elle faillit s'endormir dans le métro, sortit à son arrêt in extremis. Marseille lui manquait, elle n'aimait pas spécialement Paris, mais elle devait quand même avouer que c'était une jolie ville.

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HORS JEU ▹ GROUPE : monsieur tout le monde. ▹ AVATAR : felicity jones ▹ SCENARIO ou PERSONNAGE INVENTE : personnage inventé ▹ PSEUDO/PRENOM : camille ▹ ÂGE : majeure ▹ OU AVEZ VOUS CONNU LE FORUM? : via bazzart ▹ PRESENCE : régulière.