L'homme n'est pas pur, son âme est vouée aux enfers, vouée à ce qu'il y a de plus cruel comme pour le punir de tous ces vices auxquels il a succombé. Il n'est qu'on pion sur un immense échiquier, et pourtant, il se prend pour le maître du monde, comme s'il avait la moindre influence sur le monde qui l'entoure. Il n'en a aucune, il n'est rien, seulement une coquille vide que l'on s'efforce de remplir pour en faire quelque chose de viable.

Quimper. Noël 1979. La neige tombe ardemment. Les quais deviennent blancs en ce jour de pureté et les guirlandes s'illuminent. Le jour est beau c'est vrai. Le contexte donne envie d'être heureux, de profiter de ce Noël qui nous livre toutes ces joies. La noirceur de la nuit s'est effacée, et la rosée du matin humidifie davantage le sol voilé de neige. La famille Balzac respire à plein poumon l'air frais de cette ville bretonne. Ils étouffaient à Paris, alors ils sont venus s'installer ici, à Quimper pour mieux profiter de leur famille. Le petit Alex-Enzo a un peu d'un an, et sa mère attend un autre enfant, une fille à ce qu'en dit le gynécologue. Mais elle est seule pour les élever, le père est parti il y a quelques mois de cela. Personne ne sait pourquoi. Il allait parfaitement bien, sa vie de famille semblait le combler et pourtant du jour au lendemain, il est parti sans piper mot. Il n'a pas pris d'affaire, il a cassé son téléphone par terre et il s'en est allé, comme un fantôme. Ses habits sont toujours pendus dans le dressing, toujours sans un pli. Sa brossse à dents est toujours dans la salle de bains. Son âme erre dans la maison, sans pouvoir l'enterrer un jour parce qu'il n'est sans doute pas mort, il est sans doute reparti à Paris. Il n'a pas dû supporter le changement, il n'a pas supporté tout ça, s'en était trop pour lui. Alors finalement, toute cette mise en scène, ces sourires sur les visages de la famille ne sont qu'une façade pour cacher la souffrance qu'ils endurent. La mère surtout. Parce que, Alex, du haut de ses un an ne se rend compte de rien. Il est juste heureux des cadeaux qu'on lui a offert.

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T'en as marre d'être là Alex, ouais c'est normal. Parce que la vie ici te plombe, elle te détruit à petit feu, comme elle l'a fait avec ta mère. Parce que t'as que treize ans et que tu traînes déjà dans les rues tard le soir. T'es qu'un petit con, un petit branleur que ta mère peut plus supporter. Tu vas amener ta petite sœur avec toi, mais c'est hors de question Alex, elle ne deviendra pas comme toi. Une figure paternelle ne t'aurait pas fait de mal, elle t'aurait peut-être remis dans le droit chemin. Mais t'en as pas, tu dois faire avec. Ta mère? Elle n'est plus vraiment là. La vie est devenue difficile pour vous. Elle n'a plus de travail, elle reste à la maison, et ne fait plus rien. Elle ne fait même plus semblant de vous aimer, toi et ta sœur. Vous êtes comme deux orphelins, errant sur les quais de l'Odet. Vous êtes bien habillés quand même, parce que t'es un petit con, parce que tu voles dans les magasins. Un départ, un jour de 1979, et toute votre vie a été détruite. C'est pas une vie d'adolescents que vous avez, c'est une vie de merde tout simplement. Faut que votre mère reprenne sa vie en main, qu'elle fasse quelque chose pour se reconstruire mais vous avez plus trop d'idées pour l'aider.
Alex, toi tu t'en fous de la voir comme ça, ça t'es bien égal qu'elle souffre, qu'elle ne soit plus que l'ombre d'elle-même mais ta sœur, ça la fait souffrir, elle en pleure tous les soirs. T'es qu'un pauvre connard, déjà à ton âge, t'es pas fréquentable.

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Au secondaire, tu la rencontres cette fille. Elle te plait, avec ses airs de sainte nitouche. Tu la veux c'est certain mais elle est plus friquée ça te bloque. Parce que t'es qu'un macho Alex, tu supportes pas qu'une femme puisse être au dessus de toi. Elle a pas le droit d'être heureuse et d'avoir des sous alors que toi tu n'as aucun des deux. T'es amoureux d'elle, mais tu ne supportes tellement pas son bonheur, qu'il faut que tu le détruises. Tu deviens un paranoïaque, un fou Alex, t'es à craindre parce que tu ne veux que le malheur des autres, même de ceux que t'aimes. Alors, tu la charmes, tu fais d'elle une délinquante, une droguée et tu la fais faire n'importe quoi à chaque soirée. Elle n'est plus l'ombre d'elle-même, elle a honte de ce qu'elle est devenue par ta faute, mais c'est toi qui lui file sa drogue tous les jours, alors elle ne peut plus se passer de toi. Si elle se passe de toi, elle se passe de sa drogue, et donc de la seule chose qui lui fait oublier qu'elle s'est littéralement perdue en chemin. T'es vraiment un sale connard. Ton fond est tellement mauvais. Y a aucune bonté en toi, parce que, à cause de toi, cette pauvre fille a dû aller en cure de désintox. Tu t'en fous Alex, ça te fait marrer. Mais fais gaffe, la vie se passera pas toujours comme ça, tu tomberas sur plus fort que toi, et ce jour-là ça fera mal.

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Ta sœur tombe amoureuse d'un de tes potes pas fréquentables. Tu t'en fous, elle fait ce qu'elle veut. Seulement, il est encore pire que toi, il s'en fout de ta sœur, de son cœur, c'est seulement son corps qu'il veut. Elle est folle amoureuse de lui, il lui promet des choses qu'elle n'aura jamais, il lui fait croire des tas de choses alors qu'il ne l'aime pas, alors qu'il lui est infidèle. Alex, t'es à côté et tu t'en fous. Tu le vois, en soirée, avec d'autres filles mais ça t'es égal. T'as aucune compassion pour les autres, alors personne n'a pitié pour toi. Ta sœur est fragile, tu le sais, faut pas lui faire tout ça. Parce qu'un beau jour, elle se jette d'une fenêtre, parce qu'elle comprend que ton pote se moque d'elle, lorsqu'elle lit tous les textos de son portable, y compris ceux que vous échangez. Elle comprend que t'es un connard Alex, qu'elle deviendra peut-être comme toi à traîner avec tes potes et que personne ne tient vraiment à elle alors elle ne tombe pas amoureuse, elle tombe tout court. Elle chute et t'aurais pu la sauver Alex, mais tu l'as pas fait, tu l'as laissée se noyer dans sa peine. T'as laissé son âme s'envoler, alors qu'elle était plus pure que la tienne. Réagis à ce drame. Ca y est, tu te rends compte que t'es allé trop loin Alex, et que t'es devenu n'importe qui, que t'as fait n'importe quoi et que t'as perdu la seule personne qui avait de la valeur à tes yeux. C'était la seule qui t'aimait vraiment, et tu l'as perdu. Tu les enchaînes, d'abord ton père qui est parti puis ta sœur. Il ne reste plus que ta mère qui avait réussi à se construire mais avec le coma de ta sœur, elle va replonger. Ta vie va de travers, et tu commences à t'en rendre compte. Tu pètes ton câble, tu pleures, tu casses tout dans la maison, ta main est en sang mais tu t'en fous tu continues, parce qu'il faut que toute ta rage ressorte. Ta mère te crie d'arrêter mais tu ne l'écoutes pas, tu ne l'as jamais écoutée et aujourd'hui voilà où tu en es: nulle part. Tu t'accroupis par terre, tu prends ta tête dans tes mains pleines de sang, et tu t'écrases sur les bouts de verres brisés qui brillent sur le sol. Tu pleures toutes les larmes de ton corps, tu t'en veux. Y a peu de chance que ta sœur s'en sorte. Tu sors te changer les idées, et tu croises celui qui a ruiné ta sœur au même titre que toi. Il te sourit et tu lui fous ton poing dans la gueule, tu le fous à terre et tu le bats jusqu'au sang. Ça te fait du bien mais ça ne te soulage pas entièrement.