L'HISTOIRE
« la vie banale d'un gros fumeur imbu de son art et un tantinet bohème »

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Puisque chaque histoire a un début, tâchons d'en trouver un à la mienne. Je suis né un jour de pluie de septembre. Ne pensez pas que les conditions atmosphériques de ma venue au monde ait influencé le reste de ma vie pour le moins … chaotique. Pure coïncidence. L'accouchement a été long et je ne suis né que le lendemain de l'entrée à l'hôpital de ma mère, après bon nombre de souffrances et d'heures de travail. Déjà à cette époque, j'étais prédestiné à devenir le boulet de ma famille, celui qui ne va jamais dans le sens qu'on voudrait le voir prendre et qui finit toujours par débarquer un peu trop tard. Malgré ce début de vie difficile, mes parents m'ont immédiatement aimé -du moins, je l'espère. Et là encore, je risque de vous décevoir. Pas d'enfance malheureuse, pas de traumatisme de jeunesse dans la vie de Lucas Moreau. Nous habitions dans une petite maison à Charenton-le-Pont, 25 minutes en voiture de Paris en comptant les bouchons, 10 minutes du bois de Vincennes, petite banlieue, petits commerces, en gros l'ennui. Et là vous vient sûrement une question importante pour la suite de cette histoire : le grand Lucas Moreau, photographe de talent, n'avait donc pas de parents riches et célèbres qui l'ont formé à l'art ? Vous voulez la vérité ? Eh bien la voilà. Mon père est banquier au Crédit Mutuel ce qui lui donne un salaire convenable et c'est principalement sur ses ressources que nous vivions. Ma mère elle, est la secrétaire de notre médecin de famille. Je lui ai toujours dit qu'elle travaillait trop vu son salaire de misère mais vous savez comment sont les femmes, elles accordent bien peu d'importance à ce que l'on peut penser. Alors voilà ma vie. Pendant trois années, j'ai été le petit garçon chéri et choyé dans une famille simple et modeste mais pas moins aimante.
Et puis, une première tornade a débarqué dans ma vie. Elle s'appelle Capucine et aujourd'hui, a réussi à combler de fierté mes parents au moins trois fois plus que je n'y arriverais jamais. Oui, Capucine, c'est ma petite sœur. Et quand elle a atterri dans notre vie, les choses n'étaient pas gagnées entre nous. De mon quotidien tranquille où j'avais ma maman rien qu'à moi, j'ai dû apprendre à partager tout cet amour avec cette …. créature rouge et fripée qui passait son temps à pleurer, pleurer, pleurer. Déjà à cet âge-là, je ne comprenais pas pourquoi il fallait s'égosiller de la sorte pour obtenir ce qu'on voulait. Finalement, les années ont passé et Capucine a grandi. Moi aussi d'ailleurs et j'ai appris à devenir un grand frère responsable. Je l'aidais quand elle essayait de se tenir debout, la protéger dans la cour de récré de l'école et on jouait souvent au légo ensemble, même si elle arrivait jamais à comprendre comment fonctionnaient les super vaisseaux que je construisais. A dix ans, j'étais donc un petit garçon sage, plutôt timide et fermé sur lui-même. Je n'aimais pas qu'on m'accorde de l'attention mais veillait toujours au grain pour qu'il n'arrive rien à Capucine.
Et puis il y a eu Mademoiselle Dupont -oui comme vous le constatez, j'aime à me dire que ce sont les femmes qui m'ont construit. Mademoiselle Dupont, c'était ma maîtresse du CM1. C'était bizarre parce qu'elle aussi avait des enfants mais elle ne ressemblait pas du tout à ma mère. J'adorais la regarder quand elle refaisait sa queue de cheval à son bureau ou qu'elle se concentrait pour corriger nos devoirs. J'aimais aussi quand elle m'interrogeait et son sourire quand je lui donnais la bonne réponse. C'était la première fois que j'étais amoureux et aller à l'école n'avait jamais été pareil bonheur. Mais notre histoire d'amour a tragiquement pris fin en juillet quand il a fallu quitter l'école pour les grandes personnes. Je lui ai avoué ma flamme par un poème d'un Louis Aragon que j'avais trouvé dans la bibliothèque de ma mère. J'y comprenais pas grand chose mais quand j'avais demandé à mon père ce dont ce bouquin parlait, il s'était contenté de me répondre que ça rendait les filles amoureuses. Après ma récitation, elle m'a souri et m'a embrassé sur la joue. Ah les premiers tourments de l'amour. Il a cependant fallu qu'on décide de ne plus se voir quand, à mon plus grand malheur, j'ai changé de maîtresse.
Le collège a été la période la plus étrange de ma vie, je dois bien l'avouer. Il fallait oublier l'innocence enfantine pour se confronter aux plus grands qui eux, savaient déjà tellement de choses sur la vie. Enfin, ça c'est ce dont j'étais persuadé à 12 ans, en débarquant dans cet établissement qui faisait bien quatre fois la taille de l'école primaire. J'ai appris à ne pas me laisser marcher sur les pieds, rejoignant le groupe des gros durs parce que j'avais toujours été plus grand que les gosses de mon âge. Je n'ai jamais été très bon en cours. Les matières m'ennuyaient, les profs m'ennuyaient. J'en avais rien à faire à cet époque d'être un bon élève, d'avoir un futur stable, avec un métier qui rapportait plein de billets. Non moi ce que je voulais, c'est jouer au foot. Parce que oui, à mes 15 ans, j'étais persuadé dur comme fer que bientôt, un sélectionneur d'une grande équipe de renommée mondiale allait remarquer mon talent indéniable et me proposer de rejoindre l'Académie des Apprentis Champions du Ballon Rond -bien sûr cette académie n'existe pas, pardonnez mon imagination juvénile. Mais encore une fois, les rêves sont d'une courte durée. Mon père m'a fait rapidement atterrir sur terre quand on m'a fait redoubler ma classe de troisième alors que j'avais obtenu mon brevet des collèges de justesse. C'était soit ça, soit j'allais en apprentissage et si je m'en fichais complètement, ça n'était pas le cas de mes parents qui aspiraient à plus pour leur premier enfant.
Le lycée … ça c'était de belles années ! De beaux souvenirs en prime. La période des premières fois. Première cuite, première cigarette, premières filles. Je me souviens de ma toute première fois. C'était avec une fille qui s'appelait Madeleine. Elle était jolie, Madeleine même si aujourd'hui j'ai un peu oublié à quoi elle ressemble. Elle était blonde, en terminale et pour elle, c'était pas la première fois. D'ailleurs heureusement, sinon j'aurais vraiment eu l'air bête à ne pas savoir ce qu'il fallait que je fasse. Ca n'a pas duré très longtemps mais elle m'a assuré que ce n'était pas grave et que de toute façon, c'était comme ça que les choses devaient être. La pauvre n'avait alors connu que des adolescents de pacotille incapable de maîtriser leurs pulsions, dommage que je l'ai perdu de vue, j'aurais sûrement des choses à lui apprendre à mon tour. Bref, je m'égare. J'ai fait un bac scientifique pour faire plaisir à mon père et je l'ai loupé d'ailleurs. Enfin, je l'ai eu au rattrapage mais je pense que le jury a dû avoir un peu pitié de ma mine dépitée lors de l'oral. C'est aussi pendant ces années que j'ai compris que j'avais des choses plus importantes à faire dans la vie que de faire des statistiques ou de devenir banquier, comme mon père. Pendant une sortie scolaire, on m'a refourgué un appareil photo dans les mains, acquisition récente de l'école, pour qu'on puisse ensuite présenter notre « voyage » au reste de l'établissement. Si les clichés étaient d'une qualité à faire peur et le cadrage complètement aléatoire, la flamme était allumée.
Ma première année de fac s'est soldée par un nouvel échec. Inscrit en économie à la Sorbonne, j'ai tout simplement arrêté d'aller en cours après la première semaine. A la place, j'avais trouvé un job pas terrible mais qui me permettait au moins d'occuper mes journées et d'économiser pour du matériel photo. J'avais un vieux réflex argentique, acheté d'occasion, deux-trois objectifs et on acceptait -enfin, j'avais pas demandé mais une de mes conquêtes m'avait refilé un double de la clé- que je me serve de la chambre noir de la fac d'arts plastiques pour développer mes clichés. Et j'étais bon, je le sentais. Alors sans en parler à mes parents qui se lamentaient déjà de voir mon avenir partir à volo vu mes résultats du premier semestre, j'ai passé le concours d'entrée des Beaux-Arts de Paris. Et à la surprise générale, la mienne la première, j'ai été retenu. Je sais que mon père m'en a beaucoup voulu pour toutes ces cachotteries, ma mère aussi mais ils ont fini par comprendre et par me soutenir dans ce choix. Eux n'avaient jamais eu la chance de pouvoir faire des études par passion, ils devaient bien offrir cette possibilité à leurs enfants. Seule Capucine m'a toujours soutenu dans mes choix et pendant longtemps, elle a été mon modèle de prédilection -allez pas croire que je fantasme sur ma sœur ! Elle est juste très photogénique et puis au moins, elle ne me disait pas toutes les 5 minutes « je suis gênée, j'aime pas qu'on me prenne en photo. ».
J'avais 23 ans et à peine mon diplôme en poche, j'ai reçu une proposition d'un magasine culturel pour devenir reporter à leur compte. Apparemment mes expos leur avaient plu et ils voulaient me confier la mission délicate d'exercer mon art sur le terrain. J'ai suivi plusieurs mois de formation sur une base militaire parce qu'on ne devient pas reporter de guerre aussi facilement et j'avais 24 ans quand j'ai embarqué pour ma première mission en Iran. La vie là-bas était totalement différente. Mais j'étais heureux. Heureux parce que ce que je faisais avait un sens. Bien sûr, il y avait les scènes difficiles, celles qui m'ont longtemps tenu éveiller la nuit. Les massacres, les affrontements, les morts. Mais c'était mon boulot de montrer au reste du monde ce qui se passait pendant que Monsieur Lambda regardait son match de foot à la télé. Et puis à côté de ça, il y avait la vie, que je préférais sans hésitation photographier. Ces gamines qui jouaient à la marelle avec un bout de craie trouvée dans les décombres, des femmes au sourire magnifique sous leur voile aux couleurs vives. Des hommes à la générosité étonnante dans un pays pourtant en guerre. Les éclats de rire des soldats du camp auquel j'étais attaché, les pleurs d'un des gars qui venait d'être papa. Ce genre de choses me faisait vibrer. J'ai passé ainsi quatre ans entre la France et l'Iran, repartant dès que je le pouvais. Je sais que Capucine m'en a voulu parce que je n'ai pas pu assister à son mariage. Quand elle est tombée enceinte et m'a demandé d'être le parrain de sa fille, j'ai décidé d'arrêter mes reportages haut en couleurs parce qu'à présent, il y avait quelqu'un dont j'allais devoir m'occuper, autre que moi-même.
De retour en France durablement, j'ai rapidement trouvé un studio ridiculement cher à Montmartre, quartier que j'aimais plus que tout à Paris. Louise est venue au monde le jour de mon anniversaire et même si ma sœur trouve ça débile, je suis encore aujourd'hui persuadé que ce n'était pas pour rien. Même si elle n'est pas ma fille et qu'elle a un père en vie et aimant, je l'ai toujours considéré quelque part comme mon petit bébé à moi. Avec les années, je suis vite devenu accro à ses rires et à ses mimiques d'enfant, puis quand elle s'est mise à parler et à réfléchir, à ses commentaires acerbes sur les adultes qui l'entouraient. Cette gamine est un vrai génie. A côté de ma vie familiale, il a fallu que je me remette à gagner ma vie autrement. Avec le soutien de mes parents, j'ai ouvert mon propre studio photo. Pendant plusieurs mois, autant dire que ça a été la galère. J'avais un prêt à rembourser, la vie était excessivement chère et j'ai même été obligé de retourner vivre à Charenton pendant presque un an. L'avantage c'est que je pouvais voir Louise tous les soirs puisque ma sœur habite à deux rues de la maison familiale. Mais à presque 30 ans, je crois que je serais rapidement devenu fou si enfin, les affaires n'avaient pas décollé.
En quatre ans, mon studio paumé est devenu le lieu que s'arrache toutes ces gamines qui veulent devenir des top modèles. Enfin, ça ne me dérange pas vraiment parce qu'elles sont à peu près prêtes à tout pour prouver au monde entier qu'elles sont des femmes à part entière, y compris coucher avec moi pour que j'arrête de les voir comme des enfants -ça c'est sûrement la meilleure partie de mon métier. Mais faire des shootings de mode, c'est purement alimentaire. Et d'ailleurs si j'en avais la possibilité, je virerais ça vite fait de mon planning. Ce que je préfère, c'est me promener dans la ville, ma sacoche mise en bandoullière et l'appareil en main. Quand on y prête un peu attention, Paris regorge de gens tellement différents qui mériteraient qu'on les regarde autrement que comme des vulgaires passants. Ma timidité juvénile envolée depuis bien longtemps, il m'arrive parfois de tenter de les convaincre de me laisser prendre quelques clichés mais autant le dire clairement, ça me fait juste passer pour un psychopathe. J'en ai conscience mais pour le peu de fois où j'ai des retours, ça en vaut vraiment la peine. Récemment, une galerie m'a recontacté suite à une série de photos que je leur ai présenté, portant sur la sensualité féminine. Peut-être le début d'une nouvelle carrière, celle que j'ai attendu depuis tellement longtemps ?

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HORS JEU ▹ GROUPE : molière ▹ AVATAR : jake gyllenhaal ▹ SCENARIO ou PERSONNAGE INVENTE : scénario ▹ PSEUDO/PRENOM : L.inattendue/Marie ▹ ÂGE : 20 ans ▹ OU AVEZ VOUS CONNU LE FORUM? : Top site ▹ PRESENCE : 4j/7.