trois heures du matin. qu'est-ce que tu fous encore dehors Wolfgang ? La tête te tourne, des frissons terribles te parcourent le corps. Tu n'entends plus rien d'autre que le silence. Un silence encombrant. Tu es allongé, là, comme un con, agonisant, te tortillant de douleur.

Tu tentes de te relever. En vain. Tu passes ta main sur tes cheveux, tu sens un liquide coller tes doigts. Du sang. Merde. Tu lèves un peu la tête, t'en as plein les habits. Tu roules sur le sol, et tu récupères ton téléphone, qui avait glissé quelques mètres plus loin.
L'écran est fissuré, mais il fonctionne. Tu pousses de toute tes forces sur tes bras pour t'assoir en tailleur. Chancelant, tu distingue un appel de phare un peu flou, un véhicule se rapproche de toi. Tu caches tes yeux, aveuglés par la lumière, et tu entends un claquement de porte. J't'ai cherché partout mec. Tu peux m'dire c'que tu fous là ? T'as d'la chance, ils sont partis. Qui étaient partis ? Et puis d'abord, c'était qui ?
Tu le regardes lui, s'agenouiller près de toi. T'as un peu peur. Lui semble te connaître parfaitement, mais toi, tu ne sais rien de lui. C'est un véritable cauchemar. Tu n'es pas fou, tu n'es pas amnésique, tu sais ton prénom, tu sais qui est ta famille, alors non, c'est sûr, tu ne connais pas cette personne. Allez, viens. Il te soulève avec ses grands bras, et t'aide à monter dans la voiture.
En temps normal, tu te serais débattu comme un fou, mais là, non. Tu étais dépourvu de toute énergie, et c'était ça, ou tu finissais ta vie mourant sur le trottoir. Pourquoi vous faites ça ? Vous êtes qui, d'abord ? Il te regarde, étonné. Tu regrettes, peut-être que cette personne était une des rares que tu aimais, ou qui t'aimais. Peut-être que tu l'as oublié, tu t'en veux.
Incroyable.
Ce mec semble lire dans tes pensées. Il te lance Non mais t'inquiètes. C'est pas grave. On m'oublie souvent, moi. J'ai pas d'nom, ok ? Maintenant, on y va. Aller où ? Pitié, pas trop loin. Même si tu ne sais pas où tu es là, actuellement, tu ne veux pas t'éloigner trop du seul repère que tu avais. Tout à l'heure, de qui vous parliez ? Pourquoi tu la vouvoies ? Bordel. T'es tellement bizarre. C'est pas toi tout ça. De toute façon, qu'est-ce que tu es vraiment ? Qui le sait ? Absolument personne. T'as trop peur qu'on découvre vraiment qui tu es. T'as trop peur qu'on découvre que toi même, tu as un coeur, t'as trop peur qu'on te le prenne. T'as trop peur de mourir. T'es un con peureux. C'est la dernière question, ok ? Bon, ben tout à l'heure, tu t'es fait tabassé par des grands cons. Ah oui et puis, merde hein, arrêtes de dire 'vous', ça m'donne envie d'te frapper mec. Tu souris un peu. Il n'a pas l'air méchant, après tout.
Tu regardes les panneaux défiler, vous vous éloigniez peu à peu de la civilisation. Vous partez dans un monde inconnu. Des champs à perte de vue. Personne sur la route. En même temps, il n'est que 3h25.

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paris qui mesure notre émoi
« je cherche les erreurs, les détours d'une vie nulle que j'gratte »

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Les jours et les années sont passées. Monsieur Sans-Nom (c'est comme ça que tu l'appelles) t'avais déposé chez toi après la nuit de long trajet. Chez toi. C'est un peu facile à dire.
Tu vis dans une famille d'enculés. (Didooon, pardon ? Ca n'se dit pas garçon !) C'est à dire : t'as une mère, qui passe sa vie dehors, chez je n'sait quel autre friqué qui lui fait croire qu'un jour ils se marieront ensemble et qui pouf ! la jette comme une salade immangeable qu'on aurait pu manger avant. T'as pas de père. T'en avais un, mais il s'est barré quand t'étais pas né. T'as pas de frères. Ni de sœurs. T'as rien d'autre qu'une mère-fantôme.
En général, tu dors pas chez toi, mais chez Monsieur Sans-Nom.

Je répète, t'es amoureux ? ça va pas la tête ? Non. Moi je suis pas amoureux, aha. Tu dis ça comme si on t'avais fait une reproche.


La chose la plus stupide qu'on est jamais inventé. T'as beaucoup de chances, y a aucune fille qui est venu te couper les couilles, comme tu dis. Tu t'es jamais attaché à aucune fille qui puisse exister. T'as un peu peur, comme tu l'as dit et répété, qu'on te vole ton coeur. T'as tellement peu de choses qui t'appartiennent, alors qu'on te prenne pas ton coeur en plus.