MARS 2010, A LA MAISON FAMILIALE DES RICHARDS, A ORLÉANS

« Génie ! Rejoins nos invités. Ton père va faire un toast. » lui dit-un vieil oncle, interrompant les embrassades d'Eugénie et Adriel. Elle se détourna lentement d'Adriel pour jeter son regard perçant sur le vieil homme. Elle haussa un sourcil. Puis, elle décolla son buste de l'étreinte de son amant et tout en se relevant, elle replaça ses habits froissés. Adriel, pudiquement gêné, se releva et adopta l'une de ses postures les plus innocentes. Le regard réprobateur de l'oncle semblait combler le silence. Il était du genre à penser qu'il ne fallait pas se toucher avant le mariage. Sacré famille de catholique. Ce n'était pourtant que quelques baisers inoffensifs. L'oncle, désabusé, sortit de la pièce en hochant la tête de gauche à droite. Quand il fut parti, Génie ria fièrement et très rapidement, enchainant dans l'action, attrapa naïvement la main d'Adriel pour l'entrainer avec elle dans les couloirs. « Viens ! » dit-elle effrontément. Ils traversèrent, main dans la main, les couloirs de la maison familiale Richards. Pendant ce temps, les convives imprégnaient de leurs voix les murs du grand salon. Un bruit strident vint interrompre le vacarme. Demandant l'attention des invités, le père Richard tapotait sa cuillère contre sa coupe de champagne. Il s'exclama avec assurance : « Mesdames et messieurs, je vous demande votre attention. ». Il attendit que les derniers bruits s'éteignent pour poursuivre : « Vous n'êtes pas sans savoir que si je vous ai réuni aujourd'hui, c'est pour vous annoncer une grande nouvelle ! Je suis certain que vous vous demandez laquelle ? Je vais donc mettre fin à ce suspens. » Invitant le mystère, il plongea la salle dans un silence interrogatif. Les gens se regardèrent, cherchant une réponse à leurs questions. Puis, un bruit sourd vint briser le silence. Les portes qui claquent, un rire gras, Génie et Adriel venaient de pénétrer dans la pièce. Toute la salle se tourna vers les deux imprudents. Adriel chercha à se faire tout petit. Le vieil oncle, de l'autre côté de la pièce, continuait à hocher la tête de gauche à droite tout en soupirant. Très vite, Adriel et Génie se placèrent sur le côté, cherchant à se faire plus discret. Cette dernière, sans gène, continuait de chuchoter des mots à l'oreille d'Adriel. « Vous tombez bien vous deux ! Rejoignez moi ! » dit le père Richard avec insistance. Sans un mot, ils s'exécutèrent. Ils étaient maintenant placés autour du père, attendant le dénouement. « Ne sont-ils pas magnifiques nos jeunes tourtereaux ? » dit-il d'une voix amusée, cherchant à détendre l'atmosphère. « Je vous annonce que ma fille, Génie est... désormais... fiancée ! À Adriel ! » Les invités applaudirent sagement et s'agitèrent, félicitant le couple. Adriel rougissait. Génie, elle, maladroite, se contenta d’exhiber sa bague comme preuve de ses fiançailles. Son large sourire de gamine prétentieuse irritait toute la salle. Acte qui parut chez les convives comme l'étalement de ses richesses. Ils rirent jaunes devant l'insolence de la petite Richard. Le père Richard remercia les invités de l'avoir écouté. Ces derniers retournèrent à leurs bavardages. Génie était le sujet de conversation de tous. Adriel, entendant les discussions, chercha à la protéger en lui parlant plus fort que tous. « Dansons ! » dit-elle dans une pulsion, entrainant son ami sur la piste. Elle se serra tout contre lui. Elle ressemblait à une enfant dans les bras d'un esprit protecteur. C'était la seule personne à penser qu'Adriel pouvait la protéger, qu'il était un homme fort et viril. Affectueux, il caressa la crinière de Richard et se laissa porter par la musique...

AOUT 2011, DANS L'APPARTEMENT D'ADRIEL ET GÉNIE, A ORLÉANS

« Génie !? » dit faiblement Adriel. « Oui ? » répondit-elle accompagnée d'un large sourire. Étalée sur le lit, elle releva la tête pour admirer le doux visage de son compagnon. Adriel s'allongea sur le dos à ses côtés. Il entrouvrit les lèvres pour prononcer quelques mots, mais Génie l'arrêta, glissant son index sur la bouche de son bien-aimé. Elle se releva, et s'installa à califourchon sur le corps prisonnier d'Adriel. « Laisse-moi deviner... ce que tu veux ! » dit-elle avec malice. Les yeux espiègles, son sourire sournois, elle s'affichait en conquérante face au corps d'Adriel. Troublé, attiré, il en oublia un instant sa pensée. Elle l'embrassa à plusieurs reprises avec rapidité. Quand Génie déposa ses douces mains près de la ceinture de son bien-aimé, ce dernier se releva d'un geste brusque et chassa la jeune Richard sur le côté. Il la fusilla un instant de son regard perçant. « Génie ! Tu fais chier ! » dit-il sévèrement tout fuyant le regard de celle qu'il craignait. Les grands yeux de Génie s’écarquillèrent. Elle resta immobile. « Tu penses vraiment qu'au cul ! » « Et depuis quand est-ce un problème ? » rétorqua-t-elle avec confiance. En réalité, Adriel craignait le côté masculin de Génie et les risques d'infidélités qui se cachaient dessus. S'arrachant les cheveux, mordillant les lèvres, serrant les poings, il ajouta avec désespoir « Je voulais te parler sérieusement ! ». Elle se vexa. Elle s'agita. Le ton s'éleva : « Ah ! Monsieur veut parler ? Et bien parlons ! J't'écoute ! ». Adriel fut intimidé un court instant. « Fixons une date de mariage !». Il s'approcha d'elle. Il lui caressa la joue avec tendresse. Ses mains fébriles tremblèrent au contact de sa peau. « ça fait plus d'un an que l'on attend, encore et encore. Tu ne cesses de me dire plus tard. Tu ne crois pas qu'il est temps ? » Un court silence s'installa et il ajouta « Je t'aime, moi... Et j'veux passer le reste de ma vie avec toi. » Elle voulut d'abord l'embrasser, puis, détournant le visage, elle chercha à fuir le regard d'Adriel. Elle lui dit d'une petite voix : « Je pars ! ». Elle sembla soudainement craintive, craignant une réaction violente, mais surtout, de blesser Adriel. « Quoi ?» dit-il perdu encore colère excessive et tristes désespoirs. L'insensible Génie ne l'était plus vraiment quand il s'agissait Adriel. En réalité, Adriel et Génie se connaissent depuis qu'ils ont cinq ans et sont un couple depuis l'âge de douze ans. Elle le connaissait par cœur. Peut-être était-ce l'unique personne qui avait sur extirper des sentiments de la carapace Richard. Elle lui dit avec sécheresse, masquant sa vulnérabilité :« t'as très bien compris ! » « Mais pourquoi ?» insista-t-il. Elle prit un air sérieux. Si rare sur son visage. Elle lui dit tout en lui attrapant les mains :« Franchement Adriel ? Tu croyais vraiment que c'est ce dont je rêvais ? Me marier à la vingtaine, avoir des enfants et finir femme au foyer à élever de salles gosses ingrats ? » Il resta muet. Il constata la triste vérité qu'il s'était caché. Il regretta de n'avoir toujours vécu que pour elle : « Pourquoi tu exagères tout ? » « Dans une semaine, je pars à Paris : me chercher, explorer, vivre... sans toi. Mais je t'aime Adriel. Et, je suis certaine, que l'on se mariera un jour. ». Impuissant il frappa ses mains contre le mur, dévoilant une nouvelle facette du doux Adriel. « Tout n'est pas blanc ou noir Génie. On aurait pu se côtoyer, se donner de l'espace, vivre de notre côté et se retrouver de temps en temps. Devenir un couple libre et moderne... » Contrarié, il s'enferma dans la salle de bain. Ils restèrent chacun dans leur coin pendant un moment. Pplus tard, les yeux rouges, Adriel sortit. Dos à lui, fumant sur le balcon, Génie resta de marbre. Il se rapprocha d'elle. Elle se retourna. Il l'embrassa quelques secondes et s'en alla en prononçant quelques mots : « Tu t'en rendras rapidement compte que l'on est fait l'un pour l'autre. ». Une fois partit, elle murmura : « Je l'espère... » et s'écroula sur son lit.

JUILLET 2012, SUR LES CHAMPS DE MARS, A PARIS

« Maëlle ! Pourquoi ici ? Je déteste la foule. » dit Génie, le ton réticent et le pas trainant. Amaëlle, petite blonde, esquissa un petit sourire. Celui qui semble cacher des pensées sournoises. « Tous ces touristes ! Tu trouves pas ça excitant ? Tu n'as qu'à tendre la main pour t'en taper un. » Génie fut presque offensée par la vulgarité de Maëlle. Cette dernière sortit de son sac un petit miroir et son rouge à lèvre. Elle le glissa langoureusement contre ses lèvres. Puis, tout en s'admirant dans sa glace, elle pinça sensuellement ses lèvres. « Tu veux ? » dit-elle tout en lui tendant le tube rouge pétant. « Non merci ! pas pour moi... » « t'es sérieuse ? t'es vraiment trop coincée Richard » lui dit-elle de haut. « J'te demande pardon ? En attendant, j'ai pas besoin de marquer "pute" sur mon visage pour mettre un mec dans mon lit ! » Un malaise s'installa. Maëlle esquissa un sourire hypocrite et fit mine d'oublier l'évènement. Elle détourna son visage vers la foule, et du haut de ses talons, adopta une posture aguicheuse. « Bon lequel tu veux ? Il est sexy celui là ... Oh ! Et pourquoi pas celui-là ? » disait-elle, montrant du bout de ses doigts manucurés chaque homme potentiel. « Et pourquoi pas un vieux ? Il parait que les hommes matures sont de très bons coups. ». Génie restait bouche-bée face à la superficialité des paroles de son amie. « Quelle rabat-joie tu fais ! Moi j'y vais. » dit Maëlle, agacée. Souvent sans gène et fanatique des hommes, Génie n'était pas en accord avec cette façon irrespectueuse de faire. Paris était définitivement d'un autre niveau, bien supérieure à elle. Elle regarda Maëlle s'éloigner, séduisant chaque homme la frôlant. Elle perdit rapidement de vue son amie.
Plus tard, Maëlle revint, interrompant ses pensées. Sa voix vint dos à Génie : « Richard ! J'ai trouvé l'heureux élu. J'te présente ... » « Adriel ! » dit Richard, terminant la phrase. Les yeux écarquillés, elle venait de se retourner sur ces mots . « Ah ! Vous vous connaissez ? Tu m'avais pas dit que tu avais des copains aussi sexy, grande coquine ! ». Les pensées de Génie devinrent confuses et obscures. Elle n'avait pas eu de nouvelles de son fiancé depuis un an. L'idée qu'il avait accepté de passer une nuit avec Maëlle l'agaça. L'avait-il oublié ? Avant qu'il ne puisse dire un mot, Génie prit la fuite. Elle disparut. La peur de savoir la tétanisa. La peur de rompre ses fiançailles l'angoissa. Elle avait ce besoin de liberté, mais Adriel devait à jamais lui appartenir. L'idée que celui qui lui avait tout donné puisse devenir indifférent, à son égard, la terrifia.