« Tu vois Coline, tu es née d'une union quelque peu bancale » Coline savait le pourquoi du comment, pas la peine de lui l'expliquer en utilisant des phrases qui était des euphémismes ou des mensonges. Non, l'union n'avait pas été bancale, il n'y en avait jamais eu. L'adolescente voyait mal une pauvre fille de seize ans déjà mariée.
« Ouais ouais c'est bon ; j'ai été adoptée je le sais... » Elle connaissait la vérité pas besoin de lui là raconter en contournant le plus important presque. C'était la fille d'une pauvre lycéenne tombée enceinte lors de sa première fois, et qui avait préféré donné son bébé à l'adoption plutôt que se transformer en mère parfaite à seize ans même pas. Et c'était ainsi que les Duvauchelle avaient adoptées la gamine.
« Oui, mais sache que cette femme a fait preuve d'une grande force pour te laisser, en sachant tout le bonheur que tu nous procure ma chérie » Le bonheur ? Coline rigola à peine eut elle entendue la phrase qu'avait prononcé sa "mère", Julia. Elle ne vivait en aucuns points dans le bonheur, elle était tout le temps dehors, voyait très peu sa famille, famille disloquée par la même occasion. Julia croyait dur comme fer à son mariage avec Ezeckiel, qui vivait pourtant à Londres pour son boulot. Mais un homme restait un homme d'après Coline.
« T’as raison, le bonheur ouais. » Coline regardait sa mère du haut de son mètre soixante dix, déjà.
« Tu es née un quatorze février, c'est un signe ma chérie. » Le signe de quoi ? Qu'elle ne comprenait même pas le principe de la saint Valentin ? Qu'elle trouvait juste absurde de dire "Je t'aime" à quelqu'un ? Qu'elle préférait de loin un paquet de clopes et une bouteille de tequila à un mec qui la traiterait bien ? Si Coline avait tout pour bien partir dans la vie –soit l’argent de ses parents, de grandes écoles privées- les Duvauchelle lui avaient donné toutes les clefs en main pour qu’elle puisse se détruire.
« Dis toi que tu te fais des illusions sur ta vie. Mets toi bien dans ta petite tête que t'es pas génétiquement ma mère, et que je fais ce que je veux de ma vie. Je pars quand je veux retrouvé l'idiote qui m'a mise au monde, et je vais vivre chez Ezeckiel si l’envie me prend. » Sa mère la regardait avec les yeux mouillés, comme si elle savait bien que tout ce qu'elle racontait à sa fille n'était qu'une illusion ; sa famille était détruite. La fille qu'elle avait adoptée, ne pouvant avoir d'enfants, voulait la quitter. Elle n'avait plus que l'impression d'un mari.
« Coline Marie Hella Duvauchelle ; tu ne peux pas me faire ça. Non, pas à moi, tu sais très bien que je n'ai plus rien. Plus de famille sans toi. Je ne suis plus rien après. » Coline rigola, encore. Elle sortit de sa poche arrière son paquet de Marlboro Light, puis son briquet. Elle porta une cigarette à son bouche, délicatement. Froide, incapable d’éprouver le moindre remord quant à ses paroles, voilà ce que sa situation de bourgeoise, son nom de famille et sa famille qui partait en vrille avait engendré : une jeune femme semblable à un monstre. Julia pleurait, c'était un fait, mais fallait réfléchir avant de lui cacher la vérité, c’était la seule chose qui passait par l’esprit de Coline. « Coline » : ce prénom était pourtant si doux, son visage était identique à celui d’un ange. Mais non, elle brisait presque volontairement le cœur de la femme qui l’avait élevé.
« Me retiens pas, je m'en vais. Demain sûrement. Je prendrais le premier avion que je trouve. Fallait réfléchir avant de me mentir. » Elle tira une latte de sa cigarette et partit de la pièce, laissant sa mère seule et en pleure, comme s’il s’agissait d’une personne quelconque.
« Nous sommes ici présents pour célébrer l'enterrement de Julia Emilie Martin, épouse Duvauchelle » Coline, toute de noir vêtue, n’avait que renifler à cette annonce.. Oui, malgré son départ fracassant de la maison familiale pour l'appartement londonien de son "père", elle avait aimé Julia, comme on aime une mère. Elle l'avait mal traitée, et avait tout pris sur un coup de tête. Elle n’avait pas réfléchi. Elle ne réfléchissait jamais. Mais elle se sentait incapable de verser une larme. Elle cachait ce manque de sentiment derrière ses lunettes Gucci. L'emménagement de Coline chez lui avait donné des ailes à Ezeckiel; il avait déposé les papiers du divorce, ce qui avait anéantie encore plus Julia. Celle ci avait plongé dans l'alcool, et c'était bien sous l'emprise de ceci que la femme d'une quarantaine d'année à peine avait décidé de vidé sa pharmacie. Oui, c'était bien un suicide. La pauvre Julia avait de toute façon tout perdu ; sa fille, sa mari. A quoi bon ?
« C'est de ma faute... » Coline se sentait pourtant incapable d’en dire plus à propos de ce qu’elle pouvait ressentir. Sûrement du regret Pourquoi avait elle eut besoin de dire à sa mère qu'elle avait trouvé les papiers de son adoption ce jour là ? Pourquoi avait elle décidé de partir, sur un coup de tête. On appela alors l'adolescente qu'était Coline à se préparer à lire son éloge funèbre, à sa mère. Elle avait horreur de ce rituel. Elle avait horreur de ça. En quoi sembler pathétique à toute une assemblé hypocrite aiderait sa mère à rester en paix. Coline se leva, passa un coup de bras sur sa robe noire qui avait couté un bras à son père, puis commença à marcher vers le prêtre. Le bruit de ses talons Louboutin résonnait dans toute l’église. La jeune blonde s’arrêta devant le micro, passa une main dans ses cheveux et soupira.
« Le quatorze février de l'année mille neuf cent quatre vingt onze, Julia devint ma mère. Elle m'adopta. Et je crois que ce fut la pire erreur de sa vie... » Les personnes présentent lâchèrent alors un soupir d'étonnement, de choc. Ce n'était pas tous les jours qu'on entendait une gamine comme ça dire que sa mère avait fait l'erreur de l'adopter. Tout simplement, parce que la moitié de l’assemblé présente ce jour là n’était pas au courant de cette histoire, et qu’ils s’attendaient à quelque chose de bien plus pathétique et dégoulinant de pleurs que ça. «
Elle est décédée, allongée dans ce cercueil, parce qu’elle a adopté une fille, incapable de lui donner l’amour dont elle avait besoin, et qu’elle avait un mari dans l’impossibilité d’assumer ses responsabilités. » Ezeckiel Duvauchelle toussa, regarda sa fille l’air de la sommer d’arrêter ce cirque.
« J’suis une mauvaise personne. Je l’ai laissé, et vous l’avez tous abandonner, tous autant que vous êtes. Dîtes moi l’intérêt d’être présent maintenant alors que vous ne l’étiez pas avant. » Coline toussa, remit ses cheveux en place, ses lunettes de soleil, puis sa robe.
« Elle n’a pas besoin de votre hypocrisie pour reposer en paix. » Et elle descendit de l’estrade. Ses talons raisonnaient encore. Elle récupéra son sac à main, puis sortit de l’église, sans se retourner. Non, sa mère n’avait pas besoin de cette fausse peine dont faisait preuve les personnes présentes.
« Laisse moi rentrer à Paris. » Faisait-elle le bon choix ? De vouloir partir loin de son père et de ses poufiasses ?
« Londres, toi, tes poufs, à la longue ça en devient presque chiant. » Elle soupira. Son père aussi.
« Coline » Il lui lança ce regard qu’elle détestait tant. Elle se leva, remit son jean en place et reprit une cigarette.
« J’suis grande. J’ai plus besoin de toi. J’ai juste besoin de ton fric » Son père n’arqua pas un sourcil après cette annonce. Sa fille était forte en caractère, antipathique presque. Un caractère de chien, qui préférait se bousiller la santé que de parler tranquillement avec son père. Coline : une bouille d’ange avec un caractère de démon et un certain intérêt pour la débauche.
« Promets moi d’arrêter tes conneries Coline. » Elle prit un élastique et fit de façon brouillone un chignon.
« J’arrêterais quand le moment sera venu, soit bientôt. » Duvauchelle se baladait, à bord de sa porsche cayenne d’occasion –oui, ayant appartenu avant à son papa, elle la considérait comme d’occasion- dans les belles rues de Paris. Sûre d’elle au volant, comme dans toutes les situations de la vie de tous les jours, la blonde ne fit guère attention au type qui venait de sa gauche lui aussi en porsche cayenne dans le rond point. La collision fut inévitable, Coline eut beau presser la pédale de frein, rien n’y faisait : ouais, elle était rentrée dans ce type, malheureusement. Elle sortit de sa voiture, en pétard. Coline Marie Hella avait beau être fautive, elle ne l’avouerait jamais. Le bonhomme sortit lui aussi de son véhicule.
« C’est de votre faute » se mit-elle à hurler comme si tous les passants devaient l’entendre. Ses cheveux étaient agitées par le vent tout comme sa jupe. Perchée sur ses talons aiguilles, elle dépassait presque le type sur qui elle hurlait.
« Hola ! On va se calmer mademoiselle. Vous êtes fautive dans ce cas présent. » Duvauchelle se mit à rire de mauvaise foi. Mais pour qui se prenait ce type pour lui parler de la sorte.
« Vous êtes expert en assurance pour me parler de faute ? Sérieusement, VOUS êtes fautif. Le clignotant n’est pas en option monsieur. » Le type se mit à rire à son tour. «
J’avais mon clignotant » Il continua de ricaner. Il se mit à observer Coline, ses longues jambes et son corps mince : bordel, elle était agressivement belle.
« Mais même si vous êtes en faute, je veux bien dire sur le constat que c’est moi le fautif. » Il marqua une pause et eut un sourire narquois.
« A condition que vous acceptiez de diner avec moi » Coline jeta un coup d’œil au type. Costard, cravate, grosse voiture. Ca ne devait pas être un détraqué sexuel : et c’était tout ce qui lui importait.
« Ok » dit-elle en haussant les épaules avec un ton non chaland. Elle était pourtant loin de se douter, que deux mois plus tard, ce type la demanderait en mariage et lui aurait fait changer d’avis sur la vie.