L'HISTOIRE
« Petite citation de la mort qui tue ! »
Le silence. Total. Intense. Pesant. Seulement perturbé par une respiration erratique et un rythme cardiaque des plus violents. Jasmine. L’appréhension la ronge avec hargne. Elle sait ce qui l’attend. Elle tente de son mieux d’arrêter toute cette géhenne. Peine perdue. Elle devra une nouvelle fois s’y soumettre. Se soumettre à cet opprobre chimérique qui se déroulait toutes les nuits, sans exception. Les ressentis étaient à chaque fois identiques : la douleur et le déshonneur avaient la même saveur âpre. Un immense incendie prenait dans ces moments-là possession de son corps et de son âme, comme s’ils lui revenaient de droit. Incendie qu’elle était incapable de maîtriser et qui la consumait avec autant de férocité et de cruauté que les turpitudes qu’elle devait essuyer. Elle essaie de se concentrer sur le visage de sa mère pour obtenir quelques secondes de répit mais le résultat n’est guère concluant. Déception. Trahison. Colère. Honte. Sont les seules expressions qu’elle peut y lire. Aucune once chaleureuse comme elle en avait souvent coutume. La plus cruelle d’entre toutes est sans doute ce « Je t’avais prévenue » mis en évidence par son demi-sourire. Les larmes montent aux yeux de Jasmine et tel un courant d’eau, se répandent sinueusement sur ses joues. Brûlantes. Ardentes. Cuisantes. Corrosives. Dévorantes. Aussi bouillantes que l’est son être tout entier. Oui, Jasmine n’est plus que ça désormais, un bûcher. Tout en elle n’est qu’embrasement. Elle se plie pour faire taire la douleur, en vain. Tout est fini. A moins que cela ne soit que le commencement. Le premier coup est porté. Premier d’une longue série. Jasmine ne perd cependant pas, espoir, car elle sait. Elle sait qu’un jour elle s’en sortira.Nous ne connaissons absolument pas et tu dois trouver surprenant que je t’écrive, moi aussi d’ailleurs. Serait-ce de l’inconscience ? Je pencherais plutôt pour une nécessité, un besoin vital de me confier à quelqu’un. Une personne qui ne me jugera pas et qui même si elle le faisait, cela ne me ferait ni chaud ni froid du fait de notre non-relation. Peut-être suis-je entrain d’écrire dans le vide ? Qu’’importe. Je le fais et c’est tout qui compte.
Eh bien, puisqu’il est coutume de se présenter lorsque l’on rencontre une personne pour la première fois, je m’y attèle donc. Je me nomme Jasmine Olivia Red, enchantée. En réalité, il ne s’agit pas là de mon nom, du moins celui que mes parents m’ont donnée à ma naissance mais tu devras exclusivement me connaitre sous celui-ci pour des raisons que j’évoquerai plus bas dans la missive. Veux-tu bien lire mon histoire ? Non ? Je crains pourtant ne pas te laisser le choix. Sans doute as-tu déjà jeté ces feuilles dans la poubelle la plus proche, ce n’est pas bien grave. J’ai l’espoir qu’au moins une personne sur cette planète lira le récit de cette fille qui a cru avoir touché les étoiles mais qui s’est en réalité perdue dans l’immensité de l’univers.
Où en étais-je déjà ? Ah, oui ! Je suis Jasmine Red, ça je l’ai déjà dit. Je suis née un certain vint-cinq septembre mille neuf cent quatre-vingt huit à Yaoundé au Cameroun, d’un père camerounais et d’une mère sénégalaise. Mes parents n’ayant pas les moyens de rester à la capitale, ils ont dû aller s’installer à Obala, un lieu rural, plus proche de la campagne que de la ville, et moi avec. Géographiquement, Obala n’était pas éloignée de Yaoundé, deux heures de routes au grand maximum, ainsi mes parents pouvaient s’y rendre tous les jours pour leur travail. Surtout mon père. Et travailler est un bien grand mot. Il vendait des féculents (bananes plantains, maniocs) et des prunes grillés, que ma mère cultivait au champ, à des carrefours et dans une sorte de souk africain. De toi à moi, je trouvais, à cette époque, qu’il n’était pas mieux que les mendiants des coins de rues. Certes, mon père se débrouillait pour nous amener de quoi nous remplir la panse mais, tu sais, quand on est jeune, on ne voit rarement plus loin que le bout de son nez. J’avais honte de mon père. A l’école, lorsque l’on me demandait la profession de mes parents, soit j’éludais la question, soit j’inventais des mensonges éhontés. Mensonges qui n’ont duré qu’un temps. Quand on y songe, je n’avais vraiment aucune raison de rougir de son occupation puisque c’était un moyen comme un autre de gagner son pain. Chose que j’avais beaucoup de mal à saisir.
Avant de développer cette partie, revenons d’abord à ma mère. Comme je l’ai signalé plus haut, elle allait aider ma grand-mère dans son immense champ et j’étais dans un premier temps forcée d’y aller également mais passer toute une journée à enlever les mauvaises herbes, à labourer la terre et à planter n’était en aucun cas ma tasse thé et mes parents ont dû se faire à cette idée. Je ne comptais pas suivre les pas de mes parents, j’avais beau n’avoir que huit ans, je savais que je ferais tout ce que je pourrais pour avoir une vie meilleure. Ah, que la vie est vraiment ironique. J’ai méprisé mes géniteurs de tout mon soul alors que l’avenir que je croyais mieux n’était qu’une existence misérable soumise aux affres du désespoir. En plus d’être salement ironique, la vie est aussi une douloureuse expérience. Il fallu que je commette un bon nombre d’erreurs pour me rendre compte de la chance que j’avais. Ah, regrets quand tu nous tiens.
Pour me sortir de là, j’avais besoin d’une chose essentielle, l’instruction. Toutefois mes parents n’étaient pas vraiment disposés à me les payer mais n’ont eut d’autre choix que de se résigner devant ma détermination. J’ai toujours été comme ça. Lorsque je veux quelque chose, je l’obtiens toujours car je m’en donne les moyens.
J’ai commencé l’école avec énormément de retard, c’est donc logique que je me suis mise à travailler cinq à six fois plus que la moyenne pour combler mes lacunes, heureusement pour moi, j’avais des facilités pour comprendre, assimiler les leçons et mes parents me facilitaient la tâche en me dispensant des travaux ménagers. Je n’ai pas tardé à être première de la classe, devant cette incroyable progression, les professeurs se sont concertés et ont décidé de me faire sauter quelques classes. Mon retard était ainsi rattrapé mais je n’arrêtais pour autant pas de travailler, je désirais aller étudier en Europe et seuls les meilleurs étaient choisis. Les plus fortunés aussi. Eh oui ! C’est ça l’Afrique ! Les plus riches réussiront toujours bien qu’ils n’aient aucun talent. L’argent fait la loi. Première déception. Après le mépris, vint la haine. Je me suis mise à détester mes parents. C’était de leur faute si mon rêve se volatilisait aussi aisément. Je leur en ai sérieusement voulu malgré ce qu’ils avaient fait pour moi, malgré le fait qu’ils passaient des heures sous le soleil pour gagner l’argent qui paierait mes études. Je crois que c’est ce que l’on appelle la merveilleuse gratitude des enfants non ? Dieu seul sait à quel point je m’en mords les doigts, à quoi bon ? Les remords ne changeront rien à ma situation, à ce qui s’est passé. Pourquoi diable les leçons viennent-elles toujours après les fautes, surtout quand on sait pertinemment qu’il est impossible de retourner dans le passé refixer ce qui a été brisé !? Pourquoi ce système est-il aussi mal foutu ? J’ai merdé et je ne peux pas réparer mes erreurs, je devrais juste cesser d’y songer. Ouais, je devrais. Pourtant, pour une raison que je ne m’explique pas, je vis dans le conditionnel. Je ressasse constamment ce qui se serait passé si cette obsession ne m’avait pas habitée. Je t’assure que l’Homme est naturellement masochiste. Il aime, ça, se faire du mal, à croire qu’il ne se sent vivant que de cette manière. L’être humain ne se sentirait-il vivant qu’en se flagellant ? C’est un concept drôlement tordu. A moins que, ce soit encore ce foutu principe de victimisation. Se faire passer pour la victime. Se rendre pitoyable aux yeux des autres pour être plaints et ainsi fuir ses responsabilités ? Vraiment tordu. Bon je crois que c’en est assez des digressions, revenons à ce qui nous intéresse. Je détestais mes parents qui étaient pour la cause première de mon échec et la seconde était ces fils-à-papas dénués de matière grise. J’étais en colère, l’unique moyen que j’avais pour échapper à cette misère venait de s’évanouir dans la nature. Il ne me restait plus qu’une solution. Un mariage blanc. L’idée ne me plaisait pas mais le choix ne m’était pas donné.
Je trouvais vite un mari. Il vint d’ailleurs au Cameroun à plusieurs reprises, rencontra mes parents et les autres membres de ma famille. Nous nous mariâmes selon les coutumes de ma région. Il était plus âgé que moi, d’une quinzaine d’années environ, mais je ne m’en souciais pas. Tu sais ce qu’on dit, l’ambition est très mauvaise conseillère. Tout ce que j’avais en tête, c’était d’aller en Europe, l’eldorado de tout africain. De plus, Ghislain s’était très bien intégré dans ma famille, que demander de plus. Il était gentil, attentionné, respectueux…il était parfait. J’avais trouvé la perle rare me disais-je à l’époque. Ah, quelle méprise. J’aurais dû le savoir que l’habit ne faisait pas le moine. Qu’importe.
Je disais donc, que nous nous sommes mariés au Cameroun puis il m’a amenée en Belgique, son pays natal. Nous nous sommes installés dans son immense maison de Bertrix dans laquelle il vivait seul. J’ai touché le Jackpot me disais-je en ce temps là. Jeune, naïve et ambitieuse. Quel cocktail détonnant ! Les premières semaines se passèrent sans problèmes, je découvrais mon nouvel endroit de vie et rencontrais ses amis qui furent très gentils avec moi. Un peu trop maintenant que j’y pense. Certains me regardaient comme on l’eût fait pour un morceau de viande chez le boucher et d’autres avec une curiosité malsaine. Mais en ce temps-là, je ne voyais rien. Ou ne voulais-je rien voir. J’avais quitté l’Afrique, j’étais avec un homme riche qui saurait m’entretenir et je pourrais ainsi faire sortir mes parents de la galère camerounaise, aucun doute n’était permis
Néanmoins, le climat changea très vite. Au début je n’avais pas le droit de sortir toute seule, ne serait-ce que pour aller au marché du coin mais bon, cela ne m’alarmait pas plus que cela. Je pensais qu’il s’inquiétait juste pour moi, comme je venais d’arriver et que je ne connaissais rien des alentours. Dans mon esprit, il voulait me protéger. Puis au fur et à mesure, il a commencé à m’enfermer lorsqu’il allait au travail, emportant la clef avec lui. Je ne dis rien. Je n’avais pas mon mot à dire de toute façon. Ses amis venaient de plus en plus souvent, ayant des gestes déplacés. Alors que je venais poser la nourriture sur la table, l’un en profitait pour passer sa main sur mes fesses ou si je portais une jupe, il passait sa main en dessous par exemple. Et tout cela sous les yeux de Ghislain qui se contentait d’un petit sourire. C’est sans doute à ce moment que j’aurais dû m’inquiéter.
Un jour sans crier gare, je me retrouvais prisonnière de la cave, enchaînée comme un vulgaire animal et nourrie comme un chien. J’ignorais que l’on avait une telle pièce a été ma première pensée lorsque je m’y ai découverte, il m’avait amenée là durant mon sommeil. La pièce était lugubre et il s’en dégageait une ambiance des plus malsaines. Au mur l’on trouvait des objets sadomasochistes comme des fouets et d’autres objets que je n’avais jamais vu de ma vie, dont je ne soupçonnais même pas l’existence. C’était clair comme l’eau de roche. Esclave sexuelle.
Ghislain avait créé une sorte de carte, comme celle d’un restaurant, qu’il avait affiché contre le mur où figuraient les tarifs de chaque torture. Une brûlure de cigarette coutait 25€ et une électrocution 70€ pour quelques secondes, par exemple. Mes premiers clients, si je peux les nommer ainsi, étaient bien évidemment ses amis. Depuis qu’ils en rêvaient, ils pourraient enfin satisfaire leurs désirs et le moins que l’on puisse dire c’était qu’il n’y allait pas avec le dos de la cuiller. Je me demande comment il pouvait avoir autant de cruauté en l’être humain lorsque je songeais à tout ce que ces hommes m’avaient fait subir. C’était bonnement impensable, mais réel. Puis des hommes de toute part affluaient et tous semblaient plus ou moins importants socialement parlant. Et tous plus sadiques les uns que les autres. En tout cas, Ghislain en tirait un sacré petit pactole et ne semblait pas vouloir s’arrêter là. Bien au contraire. Et je ne pouvais m’enfuir, déjà parce que j’étais prisonnière de cet endroit et ensuite parce que l’année que m’avait accordé l’ambassade venait de s’écouler, je n’avais aucune carte de séjour. Je n’existais pas pour le gouvernement belge. Condamnée à n’être qu’un fantôme.
Les sévices ont duré trois ans. Trois longues années durant lesquelles je n’étais qu’un jouet pour tous ces hommes avides de faire du mal à autrui. Encore aujourd’hui je me demande comment j’ai pu y échapper. J’ai eu une chance immense. J’étais tombée malade, enfin pas exactement. Disons qu’une session de sadomasochisme fut bien trop intense et ce que j’avais subi auparavant n’aidant pas, Ghislain a dû m’emmener à l’hôpital. Evidemment l’hôpital d’un de ses amis et de mes fidèles clients. C’était la première fois que je voyais l’extérieur en 1095 jours et je n’étais pas prête à y renoncer. Je me souvenais avoir profité d’un moment d’inattention de l’infirmière qui devait me surveiller en attendant le docteur. Au début je n’y ai pas au succès de mon plan, c’était bien trop gros pour être mené à bien mais je me devais de tenter. Rien ne se ferait si je n’essayais pas. Et cela avait fonctionné.
Après avoir longuement errée, je me retrouvais à Paris. Le plus loin que je pouvais et dans une ville qui m’avait toujours attirée. Evidemment, je n’y étais pas arrivée à pied. Mais j’avais beaucoup marché en effet. Je m’étais retrouvée désemparée sur le moment, ne sachant rien de l’endroit où je me trouvais puisque j’avais passé les dernières années de ma vie enfermée. Je me nourrissais dans les poubelles ou en piquant à la terrasse des cafés ou des restaurants alors que les gens avaient le dos tourné. Parfois même je faisais la manche, ironique pour une personne qui avait quitté ses origines certes modestes pour un eldorado illusoire. Le sort, le hasard ou que sais-je encore se jouait réellement de nous, pauvres humains. Pas aussi cruellement que je le pensais en ce moment là mais tout de même. Effectivement, une danseuse des rues, plus communément appelées prostituée m’avait pris sous son aile. Elle m’avait nourri, habillée et logée sans contre partie, surprenant. Sans elle, sans doute serais-je morte à l’heure qu’il est.
Je lui avais parlé de mon désir d’aller à Paris après lui avoir conté mes mésaventures et elle fut prise d’un fou-rire devant ma détermination qu’elle aimait à nommer « naïveté ». Je savais que rien n’était terminé. Je m’étais libérée de ma cave, ce qui était déjà une très grande avancée. Et je n’allais décemment pas me laisser abattre, j’avais encore énormément à faire. Je réussirais. A coup sûr. Il ne pouvait en être autrement. Je me souviens qu’elle avait sourit d’un air nostalgique, l’air de dire « pourquoi j’ai perdu cette innocence ? » et quelques jours plus tard, elle me passait ses économies pour que je réalise pour mon rêve. J’avais bien sûr refusé mais elle avait insisté et m’avait fait promettre que je ne l’oublierais. Elya, ma jolie désillusionnée, comment pourrais-je t’oublier ? Je réussirais pour nous deux, je t’en fais la promesse.
C’est ainsi que je suis arrivée à Paris…clandestinement bien sûr. Désormais je travaille dans un cabaret en tant qu’effeuilleuse ainsi que comme Escort-girl avant de tenter une carrière de danseuse professionnelle et afin d’économiser assez pour me payer un avocat pour entamer une procédure d’obtention de carte de séjour. Le moins que l’on puisse dire c’est que cela ne s’annonce pas très bien, en effet, je n’existe pas pour le gouvernement belge, le mariage n’ayant pas été validé par le consulat, ensuite vu mes antécédents, ils auront vite fait de me renvoyer ; je n’ai aucune situation fixe et personne pour se porter garant de moi et sachant très bien que Ghislain me recherche, j’ai dû changer de nom pour rendre ses recherches nettement plus compliqué. Néanmoins, je ne perds pas espoir. Rien n’est terminé. C’est ici que tout commence.
HORS JEU ▹
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AVATAR : Beyoncé ▹
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