« Chaque nuit, je m'en vais voir les p'tites femmes de Pigalle. Toutes les nuits j'effeuille les fleurs du mal. J'mets mes mains partout, j'suis comme un bambin, j'm'aperçois qu'en amour je n'y connaissais rien. »





Les nuits parisiennes sont caliente, brûlantes, provocatrices, à mon image. Elles l'ont toujours été, elles n'ont rien à envier aux nuits hispaniques que j'ai pu côtoyer lors de vacances dans le pays de mes origines. J'ai baigné dans tout ça, depuis mon plus jeune âge. Qu'en est l'opinion ? Je n'ai jamais filé droit après tout. D'ailleurs, j'épargnerais les détails assommants de mon éducation ainsi que le récit des pauvres années destinées à m'apprendre les normes et les valeurs qui régissent la société française. Tentatives vaines. Plus le temps passait, plus je me contentais de jouir de la force de mes poings et des mes écarts de conduite. Le tout était parti d'une tape, d'un vol, d'un tirage capillaire ou tout autre geste interdit à l'école primaire. Tout ça pour être réprimandé par la maîtresse, elle était carrément canon et j'vous jure que si j'avais eu dix ans de plus à cette époque, j'aurais pas dit non pour qu'elle passe sur et sous mon bureau d'écolier. Quoi sans gène ? C'est comme ça que c'est mis en place mon caractère, qualifié de désagréable par la horde de misérables jaloux et la panoplie de vierges effarouchées qui m'entouraient H24. Néanmoins, j'ai grandis comme chacun, bercé par les bateaux-mouches des quais de seine sur lesquels mon père adorait aller. Je l'y accompagnais volontiers par beau temps, quand les jeunes étrangères portait des mini-shorts et des décolletés plongeants, prétextant la chaleur. Quoi ? Les hormones de la pré-adolescence sans doute. Mes écarts de conduite étaient jusque là punissables mais loin d'être outranciers, jusqu'à ce que la naissance d'un malaise interne plus profond fasse naître en moi l'origine d'un comportement je-m'en-foutiste sans limite : le décès de mon père. Ni même ému, ni même présent pour ma mère en guise de soutien moral, j'observais, en silence, l'élément déclencheur d'écarts de conduite de plus en plus extrême, laissant ma rage envahir ce corps qui deviendrait celui d'un débauché.

Sans père, j'avais le sentiment d'être propulsé dans un monde impitoyable, où mes poings et mon corps deviendraient armes de destruction massive. Ce qui devait se produire arriva alors, quelques mois plus tard, on me transférait gentiment dans un « établissement spécialisé contre la violence urbaine des jeunes » aussi appelé vulgairement « maison de correction ». Comme si les réveils aux aurores et les exercices disciplinaires allaient faire de moi une personne différente. Chassez le naturel, il revient toujours au galop, comme on dit. Tout ça pour ce connard qui m'avait insulté de fils de pute parce que j'lui avais volé sa copine, Lola, Léa, Emma ou une sonorité identique, qu'importe. Il avait même pas été capable de se défendre, mauviette. Une fois sorti, j'suis retourné au collège, finir l'année. Les époques ont changé comme disent les plus anciens et les filles préfèrent maintenant les bad boys aux princes charmants, j'ai pas eu de mal à perdre mon pucelage avec cette gonzesse dont je serais incapable de vous citer le prénom, ni même la couleur de cheveux. La montée d'un connard en puissance, jusqu'à atteindre le paroxysme de la connerie au lycée. C'est simple, le premier jour j'ai enfreins la totalité des interdits, jusqu'à baiser dans les chiottes, marquant ainsi mon territoire. L'établissement : j'en étais le roi. Et puis j'ai rencontré la blondie, elle se déhanchait avec cet air sur son visage, cet air que je connais maintenant par cœur, cet air qui veut dire « tu ne m'auras jamais ». Si chérie, et deux fois même. L'Audi s'en souvient comme si c'était hier, mais c'est une autre histoire. Cette lolita était piquante, loin de glousser en ma présence comme le tas de filles qui s'agglutinent autour de moi, elle était un véritable challenge que j'ai relevé avec impatience.


Une bouche pulpeuse, désirée, jamais véritablement embrassée mais plutôt dévorée. L'excitation avait été joueuse ce jour-là et m'avait prit par surprise. Je n'sais toujours pas si c'est son parfum flottant dans l'air qui s'était révélé plus puissant qu'un cocktail aphrodisiaque mais l'obsession que j'avais pour elle et pour son corps ne cessait de s'amplifier. La baise, le désir charnel. Ce n'était ni plus, ni moins que ça. Sur le capot de ma bagnole flambant neuve, tout était prompt à se laisser aller à la débauche et je lui avais murmuré sur un ton dégueulasse qu'il n'y avait pas de mal à se faire du bien. Capturée dans l’étau de mes bras, le loup entrait dans la bergerie, sans jeu de mot pervers bien sûr. Ne restaient de ses moments intenses que nos corps cassés, épuisés. Mon dos griffé, marqué par ce fer rouge qui portait le nom d'Anne-Sophie Mercier. Mes mots vulgaires et mes expressions salaces auxquels elle répliquait avec une indécente bestialité, avant de filer à l'anglaise, le comble pour une parisienne. La croiser dans Paname, c'est mon passe-temps préféré, elle me crache des insanités à la figure cette tigresse, ça ne m'affecte pas, qu'est-ce qu'elle croit, en revanche, ça ne cesse d'accroître ma libido qui ne demande qu'à être comblée une troisième fois. Je la remarque rue de la paix et m'approche discrètement tel un chasseur guettant le piège se refermer sur sa proie, un tigre prêt à se jeter sur la frêle mais non maligne biche qu'il a dans sa ligne de mire. « Morel, tu m'suis ma parole ? » « Sors pas tes griffes la donzelle, je sais que t'es folle de moi » « Dans le plus érotique de tes rêves, ouais sûrement » « Tu peux répéter, j'crois que j'ai pas bien entendu Saucisse ? » « Faut que tu soignes ton addiction à la branlette Matt, on t'a jamais dit que ça rendait sourd ? » « Aide moi à me trouver un nouveau passe-temps alors, si tu vois ce que je veux dire ». Je passe un bras derrière sa taille et l'attire contre moi. Passant une main sur ma joue, elle joue avec moi, m'offre ce regard suave et envoûtant dont elle seule a le secret avant de me repousser. Geste anodin, j'en avais pris l'habitude. « Continue de te bercer d'illusions Morel, mais sache que dans l'histoire, la princesse se tire toujours avec le bon prince » « Et le mauvais prince finit toujours par tirer la princesse ». Charmant et doté de sa classe légendaire. Ironie quand tu nous tiens. Elle lève au ciel ses yeux revolver avant de faire glisser ses Ray-Ban sur son nez et de tourner les talons en roulant des hanches. Indécente pétasse. Je ne la quitte pas des yeux, j'ai trop de fierté pour lui courir après, elle reviendra d'elle-même, à force de provocations et d'un manque qui se fera de plus en plus présent entre ses cuisses. Ce moment arrivera quand mademoiselle se rendra compte que les bijoux de famille de son Ronnie ne sont pas à la hauteur de son écrin précieux et des envies qu'il peut contenir, métaphoriquement parlant. Qu'importe, elle disparaît place de l'Opéra, se frayant un chemin parmi les touristes loin de s'imaginer les coulisses d'un tout Paris un peu trop propre en apparence.