Les applaudissements assourdissant l’angoissaient plus qu’ils ne lui faisaient plaisir. Elle salua pour la troisième fois, puis se dirigea vers les coulisses où elle y prit une bouteille d’eau et s’allongea sur le sofa.  Elle ferma brièvement les yeux et entendit Aimeric entrer jubilant.
« C’est dingue le nombre de personne qu’il y avait dans la salle, et comme toujours, tu étais parfaite ». Elle ne prit même  pas la peine de répondre aux affirmations de son petit ami. Elle n’en croyait pas un mot, et savait que si elle le contredisait, ils se disputeraient une énième fois sur son hypothétique manque de confiance en elle.
Elle sentait bien qu’Aimeric était de plus en plus distant, et malgré les efforts qu’ils faisaient, le retour de Brune dans leur vie avait été un tournant déterminant dans l’issue de leur couple.  Elle souffrait de voir qu’il était amoureux d’une autre, et pourtant, elle continuait à s’attacher à lui, prête à accepter tout ce qu’il serait en capacité de lui offrir, et tout ça par amour.
Elle se retourna et soupira d’un air agacé, avant d’ouvrir les yeux et de lui offrir le sourire le plus faux qu’elle ait en ce moment. « J’y serais jamais arrivé sans toi. »  Elle aurait voulu lui dire « je t’aime » mais quelque chose l’en empêchait, comme un pressentiment qui l’avertissait.  Quelque chose qui lui faisait comprendre que ce n’est pas la bonne occasion  pour le faire, et qu’il n’y en aurait plus  jamais aucune. Elle se souvenait de ce que lui répétait constamment sa mère « assures toi  toujours d’être heureuse avant d’être amoureuse, et non amoureuse pour être heureuse, sinon tu ne le seras jamais vraiment. » Elle comprenait mieux les avertissements de sa mère, et se mordait les doigts de ne pas avoir écouté ses conseils.

Myriam était née dans une famille modeste mais aimante, dans le 19e  arrondissement de Paris. Elle a grandi dans une banlieue limitrophe de Paris, proche de la culture et de l’effervescence parisienne, mais distante du bruit et des problèmes.
Elle n’avait ni frère, ni sœur, ni animal de compagnie qui aurait pu sortir l’enfant qu’elle était de sa mélancolie. Son père, ouvrier de profession a toujours fait passer les désirs de sa fille avant les siens, sans pour autant l’a gâté. Il lui a transmis la valeur du travail, de la famille. Sa mère, femme dévouée professeure de  français dans un collège zep lui a transmis sa passion  des lettres, qui très vite s’est épanché pour un intérêt non feint pour les arts en général, raison pour laquelle rapidement, elle a été incapable de sortir son nez d’un livre, d’arrêter de gribouiller dans son Moleskine, ou de pianoter et chantonner.
Ses parents ont toujours fait un  point d‘honneur à offrir à  leurs fille unique toutes les chances qu’ils n’ont pu avoir dans la vie. A trois ans, elle a donc intégré le conservatoire de sa ville, et pratique aujourd’hui le piano et le violoncelle. Quelques années plus tard, elle a commencé le théâtre, pour extérioriser tous ce que cette jeune fille gardait en elle. Par la suite, son amie Raphaëlle l’a convaincue de se présenter au poste de responsable de la troupe indépendante du théâtre auquel  elle était auparavant simple actrice, poste qu’elle a réussi à avoir sans aucun problème.
C’est dans cette troupe de théâtre qu’elle a rencontré Aimeric.

« Mimi, je crois qu’il faut qu’on parle tous les deux. » Cette simple phrase l’a sorti de sa rêverie. Il savait pourtant à quel point elle détestait les surnoms, mais il s’obstinait tout de même à lui donner se sobriquet ridicule.  Tout de suite, elle l’abhorrait pour minimiser constamment tous ce qui l’agaçait. Elle abominait la manie qu’il avait de se passer la main dans les cheveux lorsqu’il était préoccupé. Elle répugnait cette sensation  qu’elle avait à chaque fois qu’une femme le regardait, lui souriais, ou lui adressait la parole.  Elle n’a jamais été d’un naturel violent mais elle n’a jamais autant détesté quelqu’un qu’Aimeric. L’amour et la haine sont des sentiments très proches, parait-il. En cet instant, elle n’en doutait point. Cependant, au-delà de toutes ses choses qui l’agaçaient, elle haïssait la manière dont il regardait cette autre femme, la manière dont il pensait à Brune alors qu’il était avec elle.
« Tu sais à quel point tu es importante pour moi, mais j’en aime une autre ».