« Raphaëlle, viens ici ! Je t’ai déjà dit dix fois de ranger tes dinosaures. » La fillette apparu sur le pas de sa porte de chambre et marcha jusqu’au salon. « Mais maman, les dinosaures c’est des bêtes sauvages, ce n’est pas fait pour être en rang dans un coin ! » Le regard de sa mère devient noir, comme à chaque fois qu’elle s’employait à être insolente. « Les dinosaures non mais les jouets si. » Elle avait toujours eu du mal avec la discipline.« Mais… » En fin de compte, elle faisait partie de ces enfants pour qui un bon coup de règlement ne suffit pas à redresser leur manque d'attention. « Raphaëlle ! » Et il n'y a pas vraiment de traitement pour les enfants hyperactifs, ils ont leur monde à eux. « Oui, maman... » Sa mère quitta le salon, que la petite s’était approprié en salle de jeu, pour le grand malheur de ses parents. Elle se coucha sur le ventre pour regarder dans les yeux ses petites figurines et fit la moue. Sur le soir, Raphaëlle retourna dans « sa salle », elle avait passé l’après-midi à jouer dehors avec ses frères. Elle voulait toujours leur faire un spectacle, mais il fallait toujours qu'ils la regardent, elle ne supportait pas qu'ils la quittent des yeux ne serait-ce qu'une seule seconde. Et un simple petit spectacle pouvait vite s'éterniser tout un après-midi car Raphaëlle fourmillait d'idées dans sa tête qu'elle n'arrivait pas à organiser et quittait toujours la scène pour rapporter quelque-chose, et tout reprendre depuis le début. Sur le tapis, une bonne moitié de ses figures étaient écrasées. Elle ne les avait pas rangés.
« C’est à cause de moi que maman est partie ? » A chaque mot un sens. Certes c’était à cause d’elle, l’enfant hyperactive de la famille, celle qui s’est arrêté de grandir à trois ans. « Bien sûr que non chérie, ce n’est pas de ta faute. » Mais ça n’était pas de sa faute pour autant, elle était née comme cela, et aucun suivi psychologique ou médical ne l’aidait à se canaliser. Tout comme aucun traitement thérapeutique ou homéopathique n’avait pu aider sa mère à supporter ce gros bébé, cette boule d’énergie, impatiente, agressive, colérique, insolente, hyperémotive, désordonnée, impulsive… Elle avait fini par quitter la maison. Est-ce que son couple avait déjà sombré avant qu'on ne déclare Raphaëlle hyperactive, ou avait-il seulement commencé à couler après, et par la même, à cause de cette hyperactivité ? Comme partout, la vérité n'est ni dans le noir ni dans le blanc, elle est dans le gris. Un enfant hyperactif, étant donné les efforts que cela comporte, cela peut ressouder une famille ou la déchirer. En l’occurrence le couple Garnier avait déjà commencé à battre de l'aile, doucement, et puis les choses se sont accélérées, sûrement, avec Raphaëlle. La maman partie, le papa a bien du s’occuper seul de sa progéniture, deux garçons et une fille, la petite dernière. Il lui fallut déménager pour se sentir mieux, se sentir chez soi, prendre un nouveau départ. Le souvenir de sa chair et tendre resterait à jamais graver dans sa mémoire et le mènerait avec dépression sur le chemin de l’alcool, mais au moins leur maison n’aurait plus son odeur. Pas de divorce, pas de lutte pour la garde des enfants, elle s’était juste évanouie dans la nature.Qu'est-ce qu'on va faire de toi ?
Qu'est-ce que t'as dans la tête ? Tu ne sais que danser, tu ne sais que contester. Qu'est-ce qu'on va faire de toi ? Qu'est-ce que t'as dans la tête ? Tu ne sais que danser, tu ne sais que rater ta vie ? Qu'est-ce qu'on va faire de toi ? Qu'est-ce que t'as dans la tête ? Tu ne sais que danser, tu ne sais que sortir de chez toi ? Cette chanson d’Alister résonne dans la tête de Raphaëlle comme un hymne. C’est ses amis qui l’ont découvert pour elle. Quand elle était plus jeune elle n’avait que des amis plus jeunes qu’elle, parce qu’au fond ils avaient la mentalité. Aujourd’hui. Un enfant hyperactif le reste à l’âge adulte, workaholics, lunatiques, infatigables, imposants, asociaux... Ses difficultés à se concentrer et à organiser ses idées l’ont empêché de faire de grandes études. Pour être créative elle l’est, mais ça n’aboutit jamais. Elle commence tout et n’achève rien, y compris ses relations amicales et amoureuses. Elle manque toujours d’amour. Sa mère lui manque. Son père lui manque. Il était trop souvent absent, le poivrot du village, il aimait trop sa femme. Ses frères lui manquent. Ils étaient tout pour elle lorsqu’elle était enfant, ils l’ont élevé, et aujourd’hui ils ne sont plus là, trop pris par leurs travails respectifs. Elle a toujours une bonne raison pour manquer d’amour. Mais elle-même s’éparpille. On va t'aimer sans condition. On va t'aimer sans raison. On va t'aimer sans fin. On va t'aimer sans fond. Alors qu'est-ce qu'on va faire de toi ? Des romances nerveuses Qu'est-ce que t'as dans la tête ? Des romances nerveuses De quoi as-tu envie ? De romances nerveuses De quoi as-tu besoin ? De romances nerveuses. De romances nerveuses.