C'est l'histoire d'un connard qui baisait des connasses. Le pire dans tout ça, c'est qu'il y prenait aucun plaisir. Mais le mieux qu'on puisse retenir, c'est que ça n'était pas n'importe quel connard du coin de la rue. Non, ce connard là, c'est un connard différent, avec un coeur et toutes ces niaiseries.

Tu penses vraiment que tout est aussi facile Charles? cria-t-il, usé, fatigué, épuisé. Wolfgang le regarda d'un air hautain, sans même prendre la peine de lui répondre. Il n'aimait pas ce genre de dialogue. D'une part parce qu'il l'avait appelé Charles, d'une autre part parce qu'il avait mauvaise haleine et qu'il souhaitait parler de sérieux. Tu me réponds quand je te parle? Sinon quoi? Interloqué, monsieur Dalmais ouvrit la bouche sans en sortir une seule syllabe. Puis il se leva, furieux, et leva son bras. Mais il fut interrompu par son fils. Qu'est-ce que tu vas faire? Me frapper? Mais t'es ridicule. Ridicule. Tu reviens, comme ça, dix ans après avoir disparu, et tu prétends vouloir renouer, te soucier de moi? Il y a à peine quelques minutes tu m'as dit que rien n'était aussi facile. Et puis pourquoi tu veux me frapper, t'es contrarié? T'es déçu parce que non, je ne te considère pas comme mon père ? Mais regarde ce que t'as fait pauvre enfoiré.
Wolfgang se retourna et montra à son père toutes les bouteilles vides, consommées par sa mère. Je... Mais le vieil homme n'avait rien à dire. Il était en tort, et ce depuis dix-sept ans. Il tourna un peu les yeux, puis s'arrêta sur le meuble où se tenait autrefois un portrait de lui et son ex-femme. Il constata qu'un paquet de cigarettes l'avait remplacé. Alors, il s'excusa lamentablement auprès de Wolfgang et s'en alla piteusement.

Wolfgang le regarda partir, puis rejoignit la chambre de sa mère, assoupie. C'était lui hein mon loupiot. C'était papa. Non, rendors-toi.

Cette situation commençait réellement à l'agacer. Certains de ses amis pensaient que sa mère était sa grand-mère. Mais ça n'était pas vrai. Elle était simplement abîmée, froissée, et déchirée par le temps. Elle en gardait les séquelles, elle qui souriait tellement dix ans plus tôt. Elle avait les rides d'une femme sage, et l'âme d'une désespérée. Pris d'une fureur incroyable, il fit comme chaque soir, il fuit. Descendant les escaliers doucement, il ouvrit la porte de l'appartement et s'engouffra dans les nuits fauves de Paris.

Il marchait vite. Ce soir il avait envie de frapper quelqu'un, de sortir toute la rage que sa mère et lui avaient refoulée durant tout ce temps. Il allait une fois de plus chercher des ennuis, comme si ça l'aidait. Il allait faire du mal sans aucune justification, pour se donner la satisfaction de la vengeance. Il menaçait toutes les personnes qui le regardaient, de quelques « Tu veux mon poing dans ta gueule ? ». Jusqu'à ce qu'un homme l'interpelle. Salut mon con, tu sais qui je suis? Il savait que c'était l'occasion idéale pour se défouler. Même si l'homme en question était beaucoup plus baraqué que lui, il allait pouvoir frapper. Le problème c'est qu'il n'eut même pas le temps de répondre qu'on lui avait déjà mis un sac sur la tronche et balancé dans une voiture rouge et toute rayée. Ils roulèrent pendant une bonne heure, tandis que Wolfgang vociférait pour tenter de comprendre ce qu'il se passait. Je suis le frère d'Annaëlle. Elle m'a beaucoup parlé de toi tu sais? A ce qu'il parait, t'es plutôt bon au plumard. Mais le problème tu vois, c'est que j'aime pas trop l'idée de savoir que ma petite soeur se fasse baiser par un type comme toi. Sans trop savoir pourquoi, Wolfgang ne put s'empêcher de sourire. Un sourire affreux, qui puait la fierté. Annaëlle avait été difficile à avoir, et surtout Annaëlle était un pari qui lui avait apporté cent euros. C'était donc pour ça que ce jeune con lui en voulait autant.

Puis la voiture s'arrêta, et ils l'emmenèrent à l'extérieur de la voiture. Ils marchèrent une bonne dizaine de minutes, sentant craquer sous leur pieds beaucoup de branches. Wolfgang perdit son calme au fur et à mesure du chemin. Il en était presque sûr, ils étaient dans une forêt. Puis sans prévenir, celui qui le tenait fermement les bras le lâcha et le poussa de manière à ce qu'il tombe face contre terre au sol. On lui retira le sac qu'il avait sur la tête et tout se passa très vite. Les coups venaient de tous les sens, et il sentait déjà le sang couler un peu partout. Il ne pouvait pas se défendre, il avait les bras attachés. Puis le groupe s'éloigna, le laissant seul dans l'obscurité, avec des tas de blessures.

Il entendit des bruits de pas qui se dirigeaient dans sa direction, mais incapable de bouger, il ne put réagir. Des bras le soulevèrent, lui servant de béquille, et il fut transporté dans un second véhicule. Fatigué, il s'endormit, sans pouvoir constater qu'ils roulèrent un bon bout de temps.

Difficilement, Wolfgang ouvrit ses yeux et constata qu'une personne l'avait ramené dans un endroit beaucoup plus sûr, dans un appartement même, et que cette personne avait pris la peine de le soigner. Il se releva et s'assit sur son lit, histoire de faire un état des lieux. Il voyait encore un peu flou, alors il se frotta les yeux et put voir une silhouette qui semblait le regarder.

Salut. Merci de... m'accueillir chez toi? De rien. Évite de trop t'agiter, t'es bien amoché. Wolfgang hocha la tête et se recoucha. Chouette bonhomme. Il avait l'air assez gentil, et Wolfgang n'avait pas l'habitude qu'un inconnu soit aimable avec lui. Cette personne lui disait vaguement quelqu'un, son visage ressemblait étrangement à quelqu'un qu'il connaissait. Mais il ne lui avait jamais parlé à lui. Si seulement il savait, si seulement il savait que ce bon samaritain était son frère.