ADOPTION

- Dirais-tu que ton malaise provient de ton adoption ?
- Je sais que vous êtes psy et que  votre métier c’est de scanner la tête des gens, mais je vais parfaitement bien.
- Souhaite tu un jour reprendre contact avec ta mère biologique ?
- Pas le moins du monde. Elle n’est rien pour moi, juste ma génétrice. J’ai deux parents qui m’aime et qui m’ont offert une très belle vie et famille. Je n’ai pas besoin de plus.
- Tous les enfants adoptés à un moment de leur vie souhaitent savoir d’où il vienne, pourquoi pas toi ?
- Parce que l’ADN n’a pas de signification pour moi. Il ne suffit pas que de cela pour être père où mère. Et mes parents biologiques, m’ont abandonné, ils devaient avoir une bonne raison de le faire.

Mewen Alec Castel comme on le connait aujourd’hui est né en Ukraine, retrouvé au bord d’un chemin par un couple de chasseurs quelques heures après sa naissance, il y a plus de cases vides sur son premier acte de de naissance que de cases norcies au stylo. Pas de lieu de naissance, pas de parents, pas de prénoms, pas de nom de famille. Juste lui, un nourrisson emitouflé dans un sweet et déposé là, sur ce chemin. A peine né et déjà seul au monde. Il passa les deux premiers années de sa vie dans un orphelinat miteux de la capitale ukrainnienne. Il n’en a aucun souvenir puisqu’il y fut retiré par ses parents adoptifs mais garde des marques bien visible de son passé, des cicatrices, des fractures où des echymoses qui témoignent de l’environnement dans lequel il avait vécu. Il eut une enfance heureuse et contrairement à la pensée générale, son adoption, le fait de pas savoir d’où il venait n’était en aucun cas un fardeau pour lui, simplement un chapitre de sa vie, sombre et sans aucune importance.

LENA
Il avait dix-huit ans. Il était beau même s’il n’en avait pas conscience. Il ne rêvait ni de succès, ni gloire ou de paillettes et pourtant, les flashs crépitaient devant lui et elle. Il n’était pas célèbre, juste mannequin pour Abercrombie&Fitch. Et ce jour là, dans ce studio photo, sa vie fût bouleversée. Elle s’appelait Léna et dès qu’il avait posé les yeux sur elle, il avait compris qu’il en était amoureux. Il avait vite réalisé, qu’à la fin de la séance, il ne la reverrait sans doute jamais et cela le hantait déjà. Alors, quand les mots fatidiques furent prononcés il l’attrapa par le bras.

- Je suis Mewen.
- Je sais.
- Bien. Cool. Hmmm ... Tu voudrais aller prendre un café un de ces quatre ?
- Je suis vraiment désolée, j’ai un avion à prendre pour Tokyo ce soir, je défile.
- Ça nous laisse le reste de la journée alors.

Il se surprit lui même à être entreprenant mais il savait ce qu’il voulait : elle et il allait se battre pour ça. Alors qu’ils vagadondaient dans les rues pavés de Paris, le téléphone de la jeune fille retentit. A l’autre bout du fil ? Dieu, sans aucun doute.

- Le défilé est annulé.
- C’est dommage.
- Fais pas comme si tu n’étais pas content.
- Je suis content mais tu viens peut-être de rater l’opportunité de ta vie.
- Je sens que je vais te rater, toi.

Leur histoire d’amour était partie.

8 ANS ET CINQ MOIS PLUS TARD :
Le couple vivait dans un charmant trois pièces moderne et féminin, à l’image de Léna qui en avait fait son petit paradis. Si Mewen avait abandonné le mannequinat pour se concentrer sur une carrière professionelle plus à son image, Léna, poursuivait son ascenssion dans le monde de la mode. Lui, n’était qu’à l’aise qu’avec elle et ses étagères remplies de livres. C’est en lisant l’un d’entre pour la énième que sa bien aimée fit irruption dans leur chambre. Il était 23h24. Il termina sa phrase à nouveau sans répit, courons à notre perte, puis abandonna son livre au profit de Léna, elle avait une mine atroce.

- Tout va bien ?
- Non. J'ai une chose à te dire.
- Qu’est ce qu’il se passe ?
- On m’a proposé un contrat. Giorgo Armani, tu sais ce que ça veut dire ?
- Qu’on va devoir déménager à Londres ?
- Que ma carrière est finie !
- Je suis perdu là ....
- Laisse moi t’éclairer : je suis enceinte.
- Pardon ?
- Tu as bien entendu !
- C’est génial ! Tu devrais te réjouir !
- Non. Mewen. Je suis mannequin, je me rejouirais si on m’annonçait qu’un astéroide avait tué les mannequins les plus célèbres et qu’ils me demandaient de défiler pour Victoria’s Secret.
- Je vois pas en quoi le fait que tu sois enceinte, ruine tout. Prend exemple sur les mannequins de Victoria’s Secret puisque tu en parles ...
- 7 mois c’est une pause que je ne peux pas me permettre.
- Tu vas pas avoir le choix.
- On était d’accord pour attendre, non ? Je ne suis pas prête.
- Parce que tu crois que je le suis plus ? Ce bébé va arriver, et on va l’acceuillir. Je ne l’abandonnerais pas, comme je l’ai été.
- Je suis désolée, je ne savais pas que c’était si important pour toi. Pardon ...
- Un peu, si. Et puis, vois cette pause comme quelques choses de positif, monte ton agence de mannequin, crée ta collection, pose pour des fringues de femmes enceintes. Tu dois bien avoir des contacts depuis le temps, non ?
- Tu es génial !!!

LA GROSSESSE
Mewen regardait avec admiration le ventre de sa fiancée s’arrondir. Il était jeune mais prêt à devenir père, après tout, cela s’apprenait. Du côté de Léna, la tension était plus palpable. Elle qui passait du temps à compter la moindre calorie qu’elle avalait, elle supportait que très mal de prendre du poid. Elle n’osait même plus passer devant un mirroir tant elle trouvait son apparence disgracieuse.

- Tu penses pas, qu’on devrait choisir un prénom Léna ?
- Bien sûr. Pourquoi pas, «grosse vache», «baleine», «patapouff» ?
- Ok. Juste pour que sache, je te trouves super sexy.
- C’est vrai ?
- Oui.
- Pourquoi pas Oscar, si c’était un garçon ?
- C’était le nom de mon poisson rouge. Et puis je veux une fille, pour qu’elle soit aussi belle que sa maman.
- Qu’est ce que j’ai fais pour te mériter? Tu serais prêt à tout pour moi ?
- A peu près.
- Ok donc se sera Léa si c’est une fille.
- Ca sonne bien.  

La parenthèse heureuse, se termina sur cette note. Aussitôt après, la belle brune se replongea dans son mutisme. Elle était prête à exploser et, ne cachait pas qu’elle n’attendait que ça, ses traits tirés, ses cernes bleuatre témoignait de sa fatigue corporelle et émotionnelle.
Trois jours plus tard, elle accouchait d’une magnifique petite fille, trois jours après, elle quittait la maternité, une semaine après encore, elle partait.

LA RUPTURE
Treize jours, suffise pour changer une vie, c’est ce qu’avait démontré Léa Castel à ses parents depuis son arrivée. Le quotidien était désormais beaucoup plus chronométré, biberons toutes les trois heures, bain tous les jours. En bref, de longues journées éprouvantes en perspectives et de trop courtes nuits pour les trois années à venir. Mewen adorait sa fille et cela se voyait
mais d’autres aspects de la paternité, ceux qu’on n’aborde pas en public le dégoutait profondément. Il ne supportait pas les cris stridents de son nourrisson où encore l’odeur des couches sales de sa boite à caca, comme il avait tristement surnommée sa fille. Il y avait aussi des moments privilégiés avec elle qu’il ne manquerait pour rien au monde, comme les balades au parc, où elle dormait paisiblement dans son landau, entourée par ses dizaines de peluches. C’est lorsque qu’il revenait de l’une d’elle, Léna ne souhaitant pas l’y accompagné, qu’il découvrit sa compagne, en train de l’attendre patiemment lors de son retour. Sa fille dans les bras, il caressait tendrement le duvet fin de son crane. Il remarqua les valises de sa belle.

- Je suis désolée, je ne peux pas faire ça Mewen.
- Faire quoi ? Être une mère ? Parce que ça non plus je ne peux pas le faire à ta place !
- Tu te débrouilles beaucoup mieux que moi et tu te débrouilleras sans moi.
- Tu pars ?
- Je suis désolée.
- Quand a tu pris ta décision ?
- Tout à l’heure. On m’a appelé, j’ai décroché un contrat de six mois aux Etats-Unis. C’est ma dernière opportunité, je ne peux pas la manquer.
- Je croyais que c’était moi, ton opportunité.
- Tu ne comprends pas, c’est très important pour moi, c’est mon rêve.
- Plus que ta fille ? Plus que moi ? Tu as raison, je ne comprends pas.
- Je reviendrais.
- Non. Si tu passes cette porte, ne reviens pas, jamais c’est clair ?
- Je le dois.
- Non tu ne le dois pas, mais tu vas le faire parce que tu le veux. C’est ce que tu as toujours voulu n’est ce pas ? Au fond, peut-être, que j’ai eu tort, je n’étais qu’un accessoire de mode pour toi !
- Bien sûr que non.
- Bien sûr que si. Pourquoi tu partirais à part pour poursuivre ton égoiste rêve ? Parce que je suis devenu démodé pour toi ? Ou parce tu as eu peur que je veuille construite un futur avec toi ? Tu te rends compte que tu es sur le point d’abandonner ta fille de treize jours ?
- J’ai tellement lutté pour réussir, il faut que je saississe cette chance.
- Bien sûr. Profite bien des dix prochaines années. Mais je vais te dire une chose : tu es une gravure de mode et comme tout le reste cela se démode rapidement. Alors profite en tant que tu le peux. Mais sache que dès que ta première ride apparaitra tu ne seras plus rien, plus rien pour le monde et surtout plus rien pour moi.
- Je crois que tout est clair. Je ne voulais simplement pas partir comme une voleuse.